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Anglais
Anatomie de l'horreur
Danse Macabre
Vous avez tous ressenti des frissons de plaisir, des frémissements d'angoisse en lisant les ouvrages de Stephen King. Cette inquiétante étrangeté du quotidien qu'il sait si bien décrire... Qui n'a jamais voulu savoir ? Percer les raisons de son succès, comprendre la force de son imagination ?
Or le Maître a décidé ici de lever le voile, de vous révéler les secrets de son inspiration ? Egrenant anecdotes et souvenirs, il se confie enfin, avec humour et simplicité. Voici donc l'itinéraire d'un jeune garçon dans les Etats-Unis de l'immédiat après-guerre, l'histoire d'un talent qui se forge au fil des films qui l'ont épouvanté, des romans qui l'ont inspiré, des comics qui l'ont émerveillé... Et dans le sillage de l'évocation nostalgique, s'impose la réflexion fondatrice de l'oeuvre de King : entre pop culture et baby-boom, séries B et esprit pionnier, que reste-t-il du rêve américain quand on éteint la lumière ?
AVIS :
Encouragé par son éditeur de l'époque, Stephen King signe en 1981 un essai sur le genre horrifique. Lui-même passionné de fiction horrifique sous toutes ses formes, il va s'interroger sur la place du genre, son évolution et ses différents supports, revenant en détail sur certaines œuvres phares ou l'ayant marqué, essayant d'en dégager les principaux thèmes tout en étoffant la démonstration de nombreux éléments biographiques.
Il tente d'abord d'analyser le succès des histoires d'horreur, et fait une distinction hiérarchisée entre la terreur (l'art de la suggestion), l'horreur (qui montre) et la révulsion (qui cherche donc à dégoûter). Il extrait ensuite trois thèmes majeurs, à travers trois œuvres fondatrices : la figure du vampire, popularisée par le "Dracula" de Bram Stoker ; celle du loup-garou, issue de "L'Etrange cas du docteur Jekyll et de M.Hyde" ; et celle de la chose, telle qu'elle apparaît dans "Frankenstein ou le Prométhée moderne" de Mary Shelley. A ces trois grands thèmes, il ajoute celui du fantôme, en se basant sur "Le Tour d'écrou" de Henry James.
King s'intéresse ensuite aux différents supports de l'horreur. S'il a une tendresse particulière pour la radio, qui permet notamment de jouer avec l'imagination de l'auditeur (et donc de faire naître la terreur), avec des émissions comme "Inner sanctum mysteries" ou "Dimension X", il est beaucoup plus critique envers la télévision, incapable de retranscrire correctement l'horreur à cause de la censure malgré quelques réussites comme certains épisodes de "La Quatrième dimension" ou "Au-delà du réel". Il évoque évidemment longuement le cinéma, notamment à travers son goût pour la série B, voire Z, nous ouvrant parfois la porte sur des œuvres totalement méconnues qui l'ont marqué – en bien comme en mal.
C'est d'ailleurs l'une des forces du livre : loin de se cantonner à une analyse froide du genre, Stephen King remplit son livre d'anecdotes personnelles, et assume pleinement la part de subjectivité de sa démonstration. Il peut ainsi encenser quelques films dont il est conscient des défauts, mais aussi faire grincer des dents avec quelques remarques très acides sur certains films ("Mad Max", qualifié de navet) ou réalisateurs (Wes Craven). Cela rend cet essai particulièrement vivant et fluide à lire, et donne surtout envie de (re)découvrir les films, émissions et livres dont il parle.
Car évidemment, il réserve une large partie de cette Anatomie de l'horreur à la littérature horrifique, en s'attardant sur une dizaine de classiques indispensables du genre : "Ghost story" (Peter Straub), "La Maison d'à côté" (Anne Rivers Siddons), "Maison hantée" (Shirley Jackson), "L'Homme qui rétrécit" (Richard Matheson), "La Foire des ténèbres" (Ray Bradbury), "Un bébé pour Rosemary" (Ira Levin), "L'Invasion des profanateurs de sépulture" (Jack Finney), "La Poupée qui dévora sa mère" (Ramsey Campbell), "Fog" (James Herbert) et "Hitler peignait des roses" (Harlan Ellison). Chacune des ces analyses permet à King d'évoquer leurs auteurs (il participera largement à la redécouverte de l'oeuvre mal-aimée de James Herbert), leurs adaptations cinématographiques, cultivant l'art de la digression comme le passionné avide de faire partager ses connaissances qu'il est.
Anatomie de l'horreur est donc un livre précieux pour tout amateur d'horreur, d'une étonnante richesse (il est ponctué d'innombrables notes de bas de page – on notera d'ailleurs l'extraordinaire travail de traduction – et de listes conséquentes de choses à voir ou à lire), qui permet de découvrir ou redécouvrir de nombreuses œuvres, radiographiques, télévisuelles, cinématographiques et littéraires à travers les yeux d'un pur passionné, qui conclue son essai en s'interrogeant sur l'influence de la fiction sur la réalité à travers des faits divers ayant été rapprochés de romans d'horreur.