Couverture française
ETAT DES PLAIES - L' | ETAT DES PLAIES - L' | 1987
Auteur
Date de parution (France)
Langue

Français

etat des plaies - l'

etat des plaies - l'

Ils avaient été surpris pendant qu'ils dînaient. Il y avais les restes d'un homme à qui manquait à peu près tout dans une abominable mare de sang, pour partie léchée soigneusement toutefois ; d'une femme au ventre béant, visage déchiquetée et aux seins absents. La voiture d'enfant n'était plus qu'une tache de sang noir

L'AVIS :

Plateau volcanique de l’Aubrac, Massif Central, entre Aveyron, Cantal et Lozère. Le maréchal des logis chef Eric le Hideux, en plus d’avoir un patronyme peu cocasse à porter, s’emmerde dru dans sa petite gendarmerie sise dans ce qui ressemble beaucoup au « trou du cul du monde » ou pas loin. C’est du moins ce qu’il pensait lorsque l’impensable va arriver à ses collègues de travail, sa copine et surtout à lui-même.Une descente aux enfers entre mythe de la bête du Gévaudan, sectarisme et belle succube qui risque d’entraîner notre Le Hideux aux portes de la folie.

Si un bon livre, c’est une histoire qui tient la route, une caractérisation des personnages un tantinet approfondie et surtout l’envie irrésistible de tourner la page qui vient afin de connaître le fin mot de l’histoire, alors « L’état des plaies » est un très bon livre.

Les 150 pages de ce numéro 48 de la collection « Gore » du Fleuve Noir s’engloutissent, avec gourmandises, aussi vite qu’une douzaine d’huîtres un soir de réveillon ou, plus simplement, avec autant de frissons qu’un zoophile visitant pour la première fois le salon de l’Agriculture.

Corsélien, alias Kaa, alias Pascal Marignac , nous livrait en 1987 son premier texte pour cette collection (il en écrira trois autres dont le formidable « Bruit crissant du rasoir sur les os»..Quel titre !). Un texte assez brillant sur la manière dont la peur peut s’insinuer dans la tête d’un homme lorsque ses barrières mentales tombent les une après les autres sous les assauts de l’inconnu d’abord, de l’absurde ensuite et enfin de l’innommable.

Perdu dans son propre labyrinthe mental et dans cette impression qu’il ne pourra jamais avoir prise sur les choses épouvantables qui se produisent, Le Hideux perd pied, petit à petit, il se noie intellectuellement et humainement. On est ici, très proche, de l’esprit des films gore «Fulcien» (en particulier «L’au-delà») où rien, décidemment rien, de bon ne peut arriver et où la fin semble écrite à l’avance à la manière d’une prédestination toute Calviniste. Brrr…

Du talent d’écriture, Corsélien en a ! Et il en faut du talent pour arriver à nous faire croire à cette histoire de personnages élevant des lynx gigantesques dans le seul but de les lâcher sur des être humains, afin de jouir du spectacle, in vivo, des corps dépecés, suppliciés, dévorés vivants.

Dans un style percutant, phrases courtes, morcelés, parfois torturés mais toujours clairs sans une once de préciosité, Corsélien tape dans le mille et donne au lecteur l’impression de plonger dans la folie de notre héros (anti-héros devrait-on dire).

Maniant l’humour noir, transgressant quelques barrières morales, oscillant entre le polar, l’horreur et une forme de fantastique métaphysique, cet état des plaies est un livre parfois un peu bancal (notamment à cause d’une fin un peu trop prévisible et trop vite expédiée), mais qui au détour de plusieurs passages éclatant foudroiera celui qui s’y aventurera.

Petite perle noire et morbide, perdue dans une collection dont il est peu représentatif, en effet les séquences purement gore sont peu nombreuses et n’atteignent pas dans leurs descriptions l’hystérie de la plupart des autres titres de la collection (lisez un Nécrorian et vous verrez de quoi je parle !), mais quel bonheur que ce livre, véritable «poétique de l’horreur» en somme.

Si un jour vous passez par l’Aubrac, allez acheter un couteau à Laguiole, admirer le paysage et manger un bon Aligot, mais surtout, surtout regarder derrière vous à la tombée de la nuit, on ne sait jamais, peut-être que la bête de Corsélien est derrière vous.

Note : Sur la (passable) couverture, l’illustrateur Dugevoyon notera pour représenter une certaine « Fluide » , héroïne troublante du roman, la divine Caroline Munroe ( que j’ai beaucoup, beaucoup aimé…)
Vous aimez la collection Gore, vous ne connaissez pas cette collection mais elle vous attire ?
Alors lisez le livre de David Didelot «Gore, dissection d’une collection», 394 pages passionnantes.
Disponible ici : http://www.artusfilms.com/gore-dissection-dune-collection-livre

Note
5
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Lionel Jacquet