Minutes past midnight

Minutes past midnight

Réaliser une anthologie d'horreur à l’heure actuelle n’est pas une mince affaire. En effet, malgré le succès de franchises récentes comme "V/H/S" et "ABC of Death", il y a toujours une chance ou plutôt un risque qu'un ou plusieurs segments puissent torpiller toute l'affaire par son côté amateur, sa brièveté, sa simplicité scénaristique apparente ou surtout sa fin qui laisse sur sa faim. Minutes past midnight pourrait être un film omnibus légèrement différent de ce qui se fait aujourd'hui dans la mesure où il s'agit d'une collection de courts-métrages organisée par le réalisateur Justin McConnell en collaboration avec « Rue Morgue Magazine », autrement dit c’est une affaire de passionnés. C'est également une découverte du festival du court-métrage « Little Terrors », un événement mensuel créé par McConnell qui a lieu à Toronto depuis 2011. Alors est-ce que ces segments réunis sauront vous convaincre ?

MINUTES PAST MIDNIGHT | MINUTES PAST MIDNIGHT | 2016

La collection commence avec « Never tear us apart » (« Ne jamais nous séparer ») réalisé par Sid Zanforlin qui met en images deux amis qui vont rencontrer les grands-parents de l'un d'entre eux pour la toute première fois dans une campagne reculée. Ce qui semble d'abord être une rencontre idyllique se transformera vite en cauchemar éveillé. Voilà certainement un moyen intéressant de lancer les choses. Viscérale et immédiate, telle est la violence montrée dans ce premier court avec des effets gore sympathiques pour une introduction hautement savoureuse.

Suivra « Awake » (« Eveillé ») de Francisco Sonic Kim narrant l'histoire de deux parents éreintés et frustrés car essayant sans succès de s'occuper d'un enfant qui ne peut ou ne veut dormir, c’est selon. Ce récit est très énigmatique car on ne comprend pas trop son aboutissement et le point de vue des scénaristes, ce qui ne poserait pas de problème en temps normal si le film nous permettait de nous connecter avec suffisamment de personnages pour nous investir dans ce qu’il se passe, mais là ce n’est pas le cas. Seule est intéressante la prestation du jeune garçon qui joue le rôle principal. Il est très effrayant et porte le tout sur ses épaules, mais on reste, comme ses parents, démunis face à tant d’incompréhension générale.

Vient ensuite « Crazy for you » (« Fou de toi») de James Moran dans lequel un tueur en série essaie de changer ses mauvais agissements par amour pour une femme. Ici, changement de tonalité complet car c’est assez ludique, un peu comme si Wes Anderson faisait dans le film d’horreur ! Et il faut donc un peu de temps pour s’habituer à ce qu’il se passe. Cependant, une fois que c’est fait, on ne peut que tomber, nous aussi, sous le charme de ce conte d'amour et de mort étrange à la fin doucement macabre. Bien évidemment, les amateurs purs et durs auront reconnu la ravissante Hannah Tointon vue dans "The children" ainsi que dans la série télévisée "Penny Dreadful (saison 1)".

Puis c’est au tour du segment de « The mill at Calder’s end » (« Le moulin à la fin de Calder ») de Kevin McTurk, qui a été entièrement tourné en stop motion à l’aide de marionnettes. Ici, suite à la disparition de son père, un jeune homme (ressemblant étrangement à un mélange entre Abraham Lincoln et l’acteur Jamie Bell !) retourne dans un lieu ancestral afin d’affronter la malédiction qui a menacé sa famille depuis des générations. Tourné comme une production Hammer d’antan, ce court propose une atmosphère gothique à souhait et présente les talents vocaux de la légendaire Barbara Steele ("Le masque du démon", "6 femmes pour l’assassin") et de Jason Flemyng ("Bruiser", "Atomik circus"). Rappelant l'une des histoires de Henry James ou celles de H.P. Lovecraft avec sa créature séculaire, ce court-métrage est indéniablement quelque chose à voir et semble constituer ni plus ni moins que la gemme cachée que l’on espère trouver dans chaque film d'anthologie.

« Roid rage » (jeu de mots génial car cela veut normalement dire « Une rage de stéroïdes » mais pourrait être, au vu du contexte, « Crise hémorroïdaire ») de Ryan Lightbourn fait son apparition qu’on trouvera remarquée car il met en scène Sammy Jenkins, un gars en apparence tout simple jusqu'à ce qu'une mutation génétique foute tout son monde en l’air. Il se retrouve alors pourchassé par les hommes responsables de sa déformation, ainsi que par le FBI. Sammy devra alors se battre avec ses capacités uniques pour survivre. Et parmi celles-ci : l'hémorroïde géante et tueuse qui sort de son anus ! C’est un truc de fou, il n’y a pas d’autres termes. Tout à la fois brutal, brut, délicieux, hilarant, misogyne et homophobe, ce court se sentirait comme chez lui dans le catalogue d’Astron-6. Rappelez-vous, il s’agit de la société de production canadienne ayant envoyé la bande-annonce du fabuleux "Father’s day" à la Troma qui l’a tout de suite adoubée et achetée ! Je veux dire, où d'autre verriez-vous un rendez-vous chez le proctologue qui vire au massacre ? Rappelant "Basket case" ou "Bad Milo" par ses effets spéciaux cheap, ce segment présente même, à la fin, un aperçu d'un film imaginaire basé sur ce que l’on vient de voir et on espère alors que la société de Lloyd Kaufman le voie parce qu’il faut absolument que ce long-métrage soit réalisé car il resterait dans les annales (trop facile, je l’avoue !) !

C’est « Feeder » (« Nourrisseur ») réalisé par Christian Rivers qui prend les rênes juste après. Ici, un musicien en difficulté, déménage dans une résidence au calme pour se concentrer sur son art et respecter un délai à venir. Lorsque l'inspiration refuse de frapper à sa porte, il découvre un moyen beaucoup plus sombre afin d’atteindre ses objectifs…

Ce résumé rappellera à certains le récent et surcoté "The devil's candy". Si les effets de ce segment australien sont étonnamment bons et les performances des acteurs crédibles, le scénario n’est donc pas non plus d’une originalité folle, mais l’ensemble a le mérite de tenir la route, d’être de courte durée et de proposer une fin assez intéressante. Ajoutons à cela également une bande sonore aux forts relents de blues des plus agréables.

« Timothy » de Marc Martínez Jordán prend le relai postérieurement. Timothy c’est un jeune garçon gardé par sa baby-sitter et qui est obsédé par le lapin costumé de son émission de télévision préférée. Un jour, il lui semble que le lapin vient lui parler et s’invite carrément chez lui…

Ce segment est le seul de la collection en langue étrangère (l’espagnol pour être plus précis) mais ce n’est pas pour cela que c’est le meilleur, loin de là ! C’est très cliché car le coup de « la baby-sitter qui doit faire face à une présence dès lors qu’elle se trouve avec le bambin qui lui, voit des trucs mais n’est pas cru », avouez que ce n’est pas transcendant et novateur ! Heureusement que c’est assez gore et que la fin soit moins prévisible qu’attendue. Mais bon, ça ne casse pas trois pattes à un canard quand même et surtout, l’accent ibérique avec la voix nasillarde du gars costumé en lapin géant est tellement horrible que c’est lui qu’il aurait fallu occire, juste pour le principe !

« Ghost train » (« Train fantôme ») de Lee Cronin fait ensuite son apparition avec ses deux anciens amis qui visitent le site d'une tragédie d'enfance, l'endroit même où, il y a plusieurs décennies, leur ami a disparu à l'intérieur d’un train fantôme par la faute de l’un d’eux. Voici un récit sur la culpabilité et le regret, où certains effets sont très bien faits (la mort géante au visuel saisissant et le fantôme du passé…) mais où l'histoire, cependant, n'est pas aussi complète que souhaitée. On s’ennuie quand même pas mal du début à la fin car on a bien compris que le passé refusait de rester enterré. Heureusement que cela dure moins de quinze minutes et que la fin est sacrément sombre !

C’est « Horrific » (« Horrible »), une réalisation de Robert Boocheck, qui vient conclure cette anthologie de neuf segments tout de même ! On a affaire là à un homme qui vit dans la saleté et en dehors de la société « normale », essayant de profiter d’une soirée devant sa télé en dégustant une bonne bière mais qui se retrouve bientôt en guerre avec une créature mythologique, le Chupacabra. Le court ne se prend pas trop au sérieux et est d'autant plus amusant pour cela. Les effets spéciaux sont bien exécutés et l'acteur principal est véritablement drôle dans son rôle. Il est donc agréable de terminer par un segment délirant façon Tex Avery avec notamment un jeu de la taupe improvisé avec un marteau et un poêle, proprement hilarant !

À la fin du visionnage, on ne peut qu’être impressionné par Minutes past midnight. Pourquoi ? Et bien parce que mis à part les segments « Awake » et « Timothy », un peu légers dans leur construction ou par leur script, les autres (au nombre de 7) sont tous de bonne facture, « The mill at Calder's end » et « Roid rage » arrivant en tête. Notons également que tous les sous-genres sont représentés et on aura donc un méli-mélo de : cannibalisme, possession, fantôme, serial killer, monstre et du déjanté façon Troma au meilleur de sa forme. Alors laissez-vous tenter !

MINUTES PAST MIDNIGHT | MINUTES PAST MIDNIGHT | 2016
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Note
4
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Vincent Duménil