Nuit des revenants - la
Night of the ghouls
Le lieutenant Daniel Bradford est envoyé en mission par son supérieur pour enquêter sur "la maison des Saules", ancienne demeure qui avait servi à un docteur fou qui se livrait à des expériences abominables. Détruite dans un incendie, la maison a été reconstruite et des choses étranges semblent encore s'y dérouler. Un vieux couple y aurait vu des fantômes. Bradford va découvrir que la maison est habitée par le Dr. Acula, médium qui semble pouvoir communiquer avec les esprits et qui en a fait son commerce…
Depuis le chef-d'oeuvre film de Tim Burton ("ed wood" évidemment), il est difficile de dire du mal d'un film de celui qu'on a surnommé le plus mauvais réalisateur de tous les temps. Déjà parce que Burton est parvenu à nous faire aimer Ed Wood, le personnage, mais surtout parce que des films, j'en ai vu un paquet, et croyez-moi, Eddy n'est certainement pas le plus ignoble des tacherons. D'autres le battent à pleine couture. C'est sûr, les films d'Ed Wood ne seront sûrement jamais étudiés en cours de cinéma, ou alors pour montrer tout ce qu'il ne faut pas faire. Mais il se dégage de ses œuvres un charme, une ambiance, une sincérité, qui font qu'on prend plaisir à les regarder, presque sans ennui, et qu'on en arrive même à les réévaluer nettement à la hausse après s'être tapé des films comme "blood tracks" ou "neon maniacs" par exemple…
Le tournage de "la nuit des revenants" fut assez compliqué pour Ed Wood. N'ayant quasiment plus d'argent suite au désastre de "plan 9 from outer space", ce sont ses amis qui vont financer le film et jouer dedans, bénévolement. Ed parvient à acheter des bouts de pellicule provenant de chutes et réussit à réaliser son film. Mais le manque d'argent fait qu'il n'aura pas les moyens de le faire développer dans un laboratoire photo. Ce n'est qu'environ vingt années plus tard que le film sera développé et qu'on pourra le voir. Ed Wood était déjà mort lors de sa sortie.
Le film est en fait une sorte de suite à "la fiancée du monstre", qu'il a réalisé en 1955. On y trouvait Bela Lugosi interpréter le rôle d'un savant fou qui se livrait à des expériences sur des hommes en essayant de les transformer en "supermen" à l'aide de l'énergie atomique. On retrouve d'ailleurs des acteurs de ce film dans "la nuit des revenants", comme Tor Johnson, qui reprend son personnage de "Lobo", le visage cette fois brûlé suite à l'incendie de la maison ou encore Paul Marco, abonné à son rôle de policier idiot et peureux (ce personnage est apparu également dans "plan 9 from outer space"). S'entourant souvent de la même équipe de comédien, on peut noter également dans le casting la présence de Criswell, encore en présentateur, comme dans "plan 9" ou de Duke Moore ("plan 9" toujours). Bref, des visages bien connus pour qui a vu de nombreux films d'Eddy.
On retrouve dans "la nuit des revenants" la touche Ed Woodienne qui a fait la (mauvaise) réputation de ses films : stock shots, faux raccords, acteurs moyens, effets spéciaux artisanaux. Hilarante est la scène où un acteur sort d'une voiture et manque de tomber. Avec le peu de pellicule à sa disposition, vous pensez bien qu'Ed n'allait pas retourner la séquence. Criswell ne fait guère illusion dans son rôle de présentateur et on voit bien qu'il lit son texte, ses yeux étant quasiment toujours baissés au lieu de regarder le spectateur. Les actrices jouant des fantômes (une vêtue de blanc, une autre de noire) ont la même démarche que Vampira dans "plan 9" et la même rigidité au niveau des expressions du visage. D'ailleurs, je crois bien que le spectre noir soit en fait un homme déguisé en femme.
Hilarante également sont les séquences de spiritisme ! Franchement, si j'étais à la place des personnes qui ont payé le Dr. Acula (notez le nom !!) pour qu'il rentre en contact avec un défunt, je demanderai à être remboursé ! Déjà, la table. Acula au bout, les clients d'un côté et trois squelettes de l'autre !!! C'est mémorable ! Mais ce n'est rien comparé aux événements sensés faire croire à la manifestation des esprits. Une tasse qui flotte dans l'air et dont on devine le fil, une trompette encore tenue par un fil et qui virevolte dans les airs en jouant un petit air, un drap blanc suspendu qui passe devant l'assemblée pour faire croire à un fantôme…
Bref, du Ed Wood tout craché !
Et pourtant, pourtant. La nostalgie qui se dégage du film fait qu'on y prend du plaisir. On remarque même les intentions du réalisateur à vouloir créer une ambiance fantasmagorique, en particulier quand les fantômes féminins se promènent dans la forêt au alentour de la maison, (enfin, la forêt, vous voyez ce que je veux dire hein…), avec de belles nappes de brouillard émanant du sol. On prend plaisir à revoir Tor Johnson, encore plus bestial qu'auparavant. Idem pour le policier benêt Klenton (Paul Marco), qui ne s'est toujours pas acheté du courage, mais qui sert à apporter la touche humoristique au film. Ok, on n'a pas besoin de lui pour avoir le sourire qui monte, mais bon…
N'oublions pas la "voix off" de Criswell qui commente ce qu'on est en train de voir, au cas où on ne comprendrait pas. Le final est également savoureux, avec tout plein de revenants que le maquilleur a dû oublier de maquiller justement. Non, franchement, j'ai vraiment passé un bon moment avec ce film, malgré ses défauts, et ça ne me dérangerait pas de le revoir. Surtout qu'il ne dure pas très longtemps, 1H10 environ, et que si on est un peu indulgent, qu'on connaît le personnage d'Ed Wood et sa manière de filmer, et qu'on aime cette ambiance de vieux films en noir et blanc des années 50, style Craignos Monsters, ça passe plutôt bien. Bien mieux que de voir "blood tracks" ou "la foret des demons" par exemple…
Ah oui, pour conclure, regardez bien la photo collée sur le mur à l'accueil du commissariat. Non, vraiment, Ed Wood n'est pas le plus mauvais réalisateur de tous les temps et sa "nullité" a bien plus de charme que le sérieux de certains réalisateurs…
En clair, du nanar classieux !