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Le cinéma fantastique ibérique est plus en forme que jamais. La preuve en est, cette collaboration de haute volée entre Paco Plaza et Jaume Balaguero.

Angela, une jeune et belle espagnole, anime une émission matinale. Cette nuit, accompagnée de Paco, son Journaliste Reporter d'Image, elle tourne l'émission du lendemain dans une caserne de pompier.
Si le début de la nuit est désespérément calme, la brigade est finalement appelée à intervenir dans un immeuble. Rien d'extravagant, seulement une vieille femme qui se serait blessée. Ce sont les voisins qui ont appelé les pompiers.
Les deux reporters accompagnent donc les pompiers sur les lieux de l'intervention. Là, ils trouvent la vieille femme en état de choc dans son appartement. Un des policiers présents sur les lieux, tente de la rassurer pour la faire évacuer. Pas de chance, la dame sort de sa léthargie et lui arrache la moitié de la gorge d'un coup de mâchoire. Les forces de l'ordre en présence abattent la vieille femme. Mais en redescendant au rez-de-chaussée, impossible de faire évacuer le policier qui se vide de son sang. L'immeuble est mis en quarantaine pour menace chimique, bactériologique et / ou nucléaire.
Une longue nuit commence alors pour tous ces gens emprisonnés dans l'immeuble.

Cette critique a été rédigée de façon à ne pas porter atteinte à l'intrigue. Cependant, moins vous en saurez sur le film lors de sa première vision, plus il sera efficace. Donc ne lisez la suite que si vous l'avez déjà vu. Ou si mes avertissement ne vous font ni chaud, ni tiède.

REC | [REC] | 2007

[REC]. Un titre qui m'a longtemps intrigué. Pour être tout à fait honnête, lors de la mise en branle du projet j'étais très sceptique. Je ne voyais là qu'un énième traitement d’un sujet rebattu des centaines de fois. Comme je me trompais.
Le résultat est au delà de toute espérance. Violent, viscéral, ultime. [REC] est une claque audiovisuelle. En effet, la collaboration de Paco Plaza et Jaume Balaguero transcende le seul média cinématographique. Il va au delà de tous les carcans du medium. Certains diront que "le Projet Blair Witch" a déjà tracé le chemin il y a quelques années.
Il n'en est rien. "le Projet Blair Witch" pêche par des choix de non réalisation portant grandement atteinte à la lisibilité de l'œuvre. Au lieu d'aboutir au réalisme cru revendiqué par les réalisateur, le métrage ressemble plutôt à une expérience arty d'un artiste New Yorkais qui aurait confondu talc et cocaïne. Résultat, au bout du film, un tube d'aspirine est nécessaire. Et un rendez-vous chez l'orthoptiste en prime. A sa sortie, le projet de la sorcière de blair criait à qui voulait l'entendre, qu'il était précurseur du genre. En réalité, il n'était qu'une vieille ganache tiède mal réchauffée. Pour retrouver les origines de ce réalisme outrancier, il faut remonter à "Cannibal Holocaust".

A ce titre [REC] est bien plus proche du métrage de Ruggero Deodato dans ses choix artistiques que du Projet Blair Witch.

Ici, point de mise en scène tape à l'œil, point de flonflons, ni de tête d'affiche hollywoodienne. Tout est mis en œuvre pour simuler un reportage télévisé. Et dire que l'entreprise est un succès, serait un doux euphémisme.
Pourtant l'affaire n'était pas gagnée d'avance. Le "scénario" n'a en effet rien d'original. Le thème de la contamination est récurent dans le cinéma de genre. C'est la base de tout bon (et mauvais) film de zombies. Cependant [REC] réussit à insuffler un souffle nouveau à son sujet grâce à son réalisme à toute épreuve. En effet, tout ce que le spectateur voit à l'écran correspond à ce que le JRI (Journaliste Reporter d'Image) a filmé. C'est donc un flot d'image ininterrompu qui s'écrase en pleine face du spectateur. Aucun répit possible, aucune échappatoire. [REC] se vit littéralement, il fait partie de ces films où il est nécessaire de se confier totalement aux mains expertes des réalisateurs. En plaçant toute sa confiance dans le métrage, on se laisse violemment manipuler et l'effet n'en est que plus saisissant. On ressort de la projection complètement lessivé, comme si toute l'équipe technique nous avait marché sur le faciès avec des chaussures de sécurité.

Cette approche du sujet est d'ailleurs plutôt étonnante venant de la part de Jaume Balaguero. Le cinéaste ibérique s'était plutôt illustré dans des métrages à l'esthétique très travaillée. Or [REC] délivre un travail du matériau très différent de ses précédents ouvrages ; le résultat de la rencontre avec Paco Plaza ?

Le point fort de [REC] est, vous l'aurez compris (ou alors, il serait très conseillé de consulter un spécialiste), son réalisme. Tout y est juste, authentique. Mon expérience de stagiaire en tant que JRI ne fait que confirmer cela. Les zooms pour faire la mise au point contribuent ainsi grandement à la crédibilité du métrage. Mais pas seulement. La présentatrice prend à part le cadreur pour l'inciter à couper la caméra si l'interview se révèle peu intéressante. Parfois, elle lui demande si sa position dans le cadre est bien... Tous ces petits détails semblent anodins et pourtant ils donnent toute sa consistance au métrage.

L'image est brute de décoffrage. Le seul éclairage artificiel présent à l'écran est celui prodigué par la lampe de la caméra. Par conséquent, il n'est pas rare que les protagonistes soient plongés dans l'obscurité ou baignés de la lumière crue d'un néon. De ce fait, le cadreur (qui est le véritable personnage principal du film, alors même que l'on ne le voit jamais) est obligé de composer avec. Il zoom, dézoom, joue avec le diaphragme et la bague de mise au point... Réaliste ? Non : réel.
Puis la violence éclate et le JRI est forcé de capter ses images dans l'urgence. Le rythme de [REC] s'accélère soudain et devient presque syncopé. La caméra s'affole, prend des beignes, change constamment de focale... Une sacrée performance compte tenu du fait que le film est composé d'une série de longs plan-séquences.

Touche finale à la crédibilité du film : le travail du son. On est loin de Gladiator et de ses coups de sandales qui font trembler les murs. Ici tous les bruitages sont passés à la moulinette pour ressembler à ce qu'aurait capté le micro de la caméra. Ainsi, lorsque l'un des agents de police en présence, tire des coups de feu à quelques centimètres de la caméra, le son sature et parasite.
De même, la caméra reçoit parfois des chocs importants. Ce qui à pour conséquence de créer de violents larsens et autres sonorités peu agréables.

Enfin, les acteurs sont d'une authenticité tout à fait impressionnante. Et pour cause, ils sont en roue libre : pas de texte, juste de l'improvisation. Le rendu est criant de vérité.

Au final, [REC] est un simple coup de génie. Toute son efficacité repose sur sa lecture intelligente de la société. Aujourd'hui, les croyances populaires s’étiolent, il faut donc plus qu'une ombre sur un mur ou un loup qui hurle à la pleine lune pour effrayer le quidam. La société dans laquelle nous vivons, tellement médiatisée, que bien souvent la réalité ne nous parvient qu’à travers le petit écran. Alors forcément, utiliser le format télévisé pour atteindre le spectateur, c'est forcément efficace.

REC | [REC] | 2007
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Note
5
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Colin Vettier