Affiche française
ROSE éCORCHéE - LA | LA ROSE éCORCHéE | 1970
Affiche originale
ROSE éCORCHéE - LA | LA ROSE éCORCHéE | 1970
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Rose écorchée - la

La rose écorchée

Le très célèbre peintre Frédéric Lansac fait la connaissance dans une galerie d’art de Moira, laquelle devient son amante. Alors que celle-ci désire organiser une fête costumée, Frédéric croise Anne, dont il tombe immédiatement amoureux et réciproquement. Il délaisse Moira et s’installe dans l’ancien château de ses ancêtres avec Anne pour vivre pleinement leur amour. Lors de la réception donnée pour le mariage, Moira s’invite sans permission et se dispute avec Anne, qui tombe par mégarde dans un feu de camp et se retrouve défigurée et paralysée à vie. Anne exige que Frédéric la donne pour morte. Elle choisit de vivre recluse dans le château, avec Frédéric qui sombre dans la dépression. L’arrivée d’Agnès, une ravissante infirmière venue pour s’occuper d’Anne n’arrangera rien puisque cette dernière, jalouse de la beauté d’Agnès, la tue. La vie continue de s’effondrer autour de Frédéric Lansac jusqu’au jour où il découvre que son botaniste était un ancien chirurgien de très haute renommée, spécialisé dans la reconstruction de visage…

ROSE éCORCHéE - LA | LA ROSE éCORCHéE | 1970

Le cinéma d’horreur n’a jamais été l’apanage de la France. Les productions de notre pays étant plus orientées vers le fantastique, la féérie, avec des films comme "La belle et la bête" de Cocteau par exemple. Il fallut attendre 1959 et "Les Yeux sans Visage" de George Franju pour que l’hexagone puisse enfin avoir son film d’horreur, qui était, néanmoins, emprunt de poésie exacerbée. Ce chef-d’œuvre absolu allait ouvrir la voie à de nombreux cinéastes qui n’hésitèrent pas à s’inspirer ouvertement du film de Franju, tel Jess Franco avec "L’horrible docteur orloff" et "Le diabolique docteur Z" (et plus tard avec "Les prédateurs de la nuit"). Ce sera aussi le cas de Claude Mulot, réalisateur de "Sexyrella" en 1968, film érotico-fantastique vampirique. Mulot décide de réaliser en 1969 La rose écorchée qui, comme vous avez pu le constater dans le résumé de l’histoire, s’inspire largement du film de Franju, du moins dans sa dernière partie. La rose écorchée est un film très important pour Claude Mulot puisque sa carrière va rapidement bifurquer vers le cinéma pornographique, dès 1974, et qu’il réalisera ses œuvres destinées à un public adulte sous le pseudonyme de…Frédéric Lansac ! Dans ce domaine, on lui doit des classiques, comme « Le sexe qui parle », « Shocking ! » et surtout l’excellent "La femme objet" en 1980, avec la superbe Marilyn Jess.

la rose écorchée s’avère être une très bonne surprise, malgré son scénario un peu passe-partout. Comme bien souvent dans les films fantastiques français, le rythme est assez lent et l’amateur de séquences effrénées ne trouvera guère son bonheur dans ce cinéma contemplatif. Il serait néanmoins fort dommage de s’arrêter à ce détail et de se priver de la vision du film car dans son ensemble, il est vraiment digne d’intérêt. L’histoire d’amour tragique que nous présente Claude Mulot va en effet aller crescendo dans la dramaturgie et l’ambiance pessimiste qui s’en dégage est très bien entretenue par le réalisateur. La poésie est également bien présente dans cette œuvre (le titre est déjà très beau) et certains passages ne sont pas sans nous rappeler les films gothiques italiens des années 60. Le décor principal du film, à savoir le château aux couloirs labyrinthiques et ses jardins, sert particulièrement bien à restituer ce courant du cinéma d’épouvante. Un décor qui contraste fortement avec celui de l’institut de beauté et du jardin botanique, qui se révèlent d’une modernité exemplaire pour un film de cette époque.

C’est dans ces différents endroits que les protagonistes vont vivre cette tragique histoire. Frédéric Lansac est interprété par Philippe Lemaire, acteur bien connu des amateurs de films de capes et d’épées ou de la saga des « Angélique » avec Michelle Mercier entre autres. Sa ravissante compagne Anne est incarnée quant à elle par Anny Duperey, qu’on reverra en 1983 dans un autre film fantastique français, à savoir « Le démon dans l’île » de Francis Leroi. Le célèbre Howard Vernon joue un personnage qu’il a interprété de nombreuses fois dans sa filmographie, celui d’un savant fou adepte de la chirurgie. Petite touche qui confère au film une certaine originalité et un certain décalage vis à vis du drame vécu par les deux héros, la présence de deux acteurs nains qui jouent les serviteurs de Frédéric Lansac. Vêtu d’une peau de bête pour l’un, privé d’un œil pour l’autre, ces deux compères font entrer une impression d’étrangeté dans le film, qui était plutôt ancré dans la réalité. Ils participeront à une scène de tentative de viol sur une donneuse potentielle de visage qui donnera également une petite touche malsaine à l’œuvre. Dans le rôle de Moira, celle par qui le drame arrive, on reconnaîtra (ou pas) Elizabeth Teissier, vous savez, la célèbre astrologue française très controversée. Tous ces acteurs et actrices promènent leurs silhouettes de façon parfois un brin monolithique, rigide, presque théâtrale (surtout les acteurs masculins) mais parviennent à donner un corps et une âme au film et à l’emmener vers des territoires prompts à satisfaire pleinement le spectateur avide de curiosité.

Comme dans les films de Jean Rollin auquel on pense irrémédiablement en regardant La rose écorchée, la notion d’érotisme est présente. Les quelques actrices du film se retrouvent quasiment toutes dévêtues à un moment ou un autre. Cela reste fort soft et n’apporte pas grand chose de plus si ce n’est quelques visions plutôt agréables. Les séquences horrifiques sont également très sobres et fort peu visuelles, si ce n’est la scène où Anny Duperey se transforme en torche humaine. Claude Mulot joue beaucoup sur la suggestion, notamment en ne montrant jamais tout au long du métrage le visage ravagé par les flammes d’Anne, hormis vers la fin ou ce dernier s’avère particulièrement hideux. Malgré l’influence de "Les Yeux sans Visage", nous n’aurons pas droit à des séquences d’opérations comme on pouvait en attendre, le personnage joué par Howard Vernon étant peut-être le « plus humain » du film.

Car Claude Mulot nous présente une galerie de personnages guère sympathiques et plutôt déviants. Frédéric Lansac est un homme à femmes, virevoltant et butinant comme bon lui semble, jusqu’à ce qu’il découvre l’amour véritable avec Anne. L’idée que quelqu’un puisse lui refaire le visage l’entraînera vers la folie, devenant coupable d’enlèvements et de meurtres. Les deux nains sont des êtres abjects et pervers, Anne qui était si douce devient, après son accident, tyrannique, susceptible, colérique et plonge également dans une folie dévastatrice. Le climat du film vire progressivement vers la démence de ses personnages et rajoute ainsi à l’ambiance horrifique naissante, éclipsant la poésie romantique et macabre qui présidait jusque là.

Après une première partie un peu statique et conçue sous forme de flashbacks qui alourdissent le déroulement de l’histoire, La rose écorchée se transforme rapidement en conte déviant, alternant romantisme noir et poésie macabre de bien belle manière, avant de s’aventurer vers des horizons plus horrifiques. Le film de Claude Mulot reste proche dans l’esprit des œuvres de Jean Rollin et ne démérite absolument pas de la comparaison, même si on remarque une plus grande retenue chez Mulot que chez Rollin. En tout cas, le métrage reste un bel exemple de fantastique gothique à la française, dont une vision s’impose pour en apprécier toutes les caractéristiques. A noter que la partition musicale est de grande qualité et accompagne à merveille les images et l’ambiance qu’elle est censée créer.

ROSE éCORCHéE - LA | LA ROSE éCORCHéE | 1970
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Note
4
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Stéphane Erbisti