Gueules noires
Gueules noires
Nous sommes en plein milieu des années 1950 dans le nord de la France. Là, Amir, Louis, Santini, Miguel et Polo, une bande de mineurs de fond menée par Roland, un ancien héros de guerre, se voit obligée par le supérieur Fouassier de conduire le professeur Berthier à mille mètres sous terre afin que celui-ci procède à des prélèvements. Après un éboulement qui les empêche de remonter, les « gueules noires » (comme on les appelle dans le jargon de la mine) découvrent une crypte d’un autre temps et réveillent sans le savoir quelque chose qu’ils n’auraient pas dû déranger…
L'AVIS :
On mélange Germinal, "Alien" et "The Descent" et l’on obtient ce Gueules noires, film de genre français audacieux par son cadre car tourné dans les mines des Hauts de France ! À travers un soigneux travail d'ambiance et de reconstitution, Mathieu Turi (aussi « coupable » de "Hostile" et de "Méandre" en d’autres temps) nous plonge dans le quotidien de mineurs de fond des années 50 et surtout de leurs conditions de travail physiques et difficiles, car ils passent leurs journées entières dans des tunnels sombres et parfois étroits, simplement éclairés par leurs lampes frontales !
Si le film est divertissant et même plutôt instructif car l'on comprend mieux le fonctionnement des mines tout en apprenant certaines choses sur les coups de grisou et les rudes conditions de vie notamment, on déchante assez vite en revanche, à partir du moment où on bascule dans l'horreur avec cette histoire de créature emprisonnée et libérée plus ou moins intentionnellement, l'ensemble marche effectivement beaucoup moins bien.
Jusque-là en effet, on avait bien aimé voir tout le récit sur le jeune Amir, ayant fait des études en Afrique du Nord mais obligé de venir en France pour travailler. Tout comme, on avait apprécié de voir comment cela se passait dans ces bassins miniers avec certaines pratiques une fois sous terre et un climat de huis clos "claustrophobique" à souhait s’installant petit à petit
Toutefois, certains défauts qui pouvaient passer au début du film sont beaucoup plus visibles à partir du moment où la crypte antédiluvienne est découverte : la caractérisation clichée de certaines personnages (le nouveau essayant de s’intégrer ou le scientifique mettant tout le monde en danger pour ses recherches…), la récurrence de codes éculés propres aux films de genre (le monstre antique que l’on n’aurait pas dû réveiller, les protagonistes qui se séparent et prennent toujours la mauvaise décision, etc.) ou encore des dialogues qui sonnent faux ou sont parfois assez surréalistes (notamment quand Turi fait usage d’un humour semblant assez peu cohérent avec ce que vivent les protagonistes ou quand le professeur part dans ses explications pseudo scientifiques devenant vite pompeuses et faisant un peu trop scolaires).
L’autre talon d’Achille de Gueules noires, c’est le design fauché de la créature sonnant vraiment comme peu convaincante avec ses faux airs d’« Alien du pauvre ». Il aurait alors été préférable de ne pas la montrer aussi directement et de plus la suggérer pour ménager davantage de suspense ! Heureusement, certains acteurs surnagent et réhaussent notre intérêt pour le film, notamment Thomas Solivérès (jeune homme vu dans des séries télé comme « Scènes de manage » !) interprétant avec brio l’exécrable Louis qu’on a envie de détester et de voir périr dans d’atroces souffrances, mais aussi Samuel Le Bihan, un habitué du paysage fantastique français (Le pacte des loups, "Frontière(s)"), impeccable en chef de meute et en héros sacrificiel !
Au final, si le rythme est assez bien géré, que certains acteurs jouent relativement juste, on regrettera, en revanche, que les codes dans ce type de film soient toujours les mêmes, tout comme on déplorera le look peu convaincant de la créature, semblant parfois empotée, un peu comme « L’albatros » de Charles Baudelaire. Après, c’est suffisamment divertissant et instructif pour ceux n’y connaissant rien aux mines comme votre dévoué pour faire passer le temps, mais il ne faut pas non plus s’attendre à un brûlot contestataire en faveur de la classe ouvrière des années 50, loin de là, même si ce métrage vaut largement ses cousins américains de ce style qui pullulent dans les salles de cinéma et qui ont eu l’audace de nommer celui-ci « The deep dark » !