Cannibal man : la semaine d'un assassin
Semana del asesino - la
Marcos travaille dans un abattoir. Il sort secrètement avec Paula, sa fiancée. Un soir, suite à une altercation avec un chauffeur de taxi qui s'en prend à Paula, il frappe ce dernier à la tête à l'aide d'une pierre. Lorsqu'ils apprennent le décès de l'homme dans les journaux, Paula prend peur et souhaite se rendre au commissariat. Une dispute éclate entre la jeune femme et Marcos, qui, par peur d'aller en prison, étrangle sa fiancée. Marcos est alors pris dans une spirale infernale de meurtres...
L'AVIS :
Réalisateur très peu connu en dehors de l'Espagne, Eloy de la Iglesia jouit pourtant d'une certaine renommée auprès de ceux qui connaissent son oeuvre, étant l'un des cinéastes préférés de Gaspar Noé par exemple. Réalisateur politique engagé, dont les œuvres ont souvent été frappé par la censure franquiste, on le connaît principalement en France pour deux films : Le Bal du Vaudou, réalisé en 1973 et ce fameux Cannibal Man qui date de 1972 et qui a connu les joies de l'édition VHS sous le label Scherzo. Avec sa jaquette sanguinolente, mettant en avant le meurtre le plus graphique du film, celui avec le hachoir, la VHS de Cannibal Man, associé à ce titre percutant, laissait à croire qu'on avait affaire à un vrai film d'horreur, à base de mangeur de chair humaine. On va éliminer de suite ce qui est prétexte à confusion : Cannibal Man n'est pas un film de cannibale ! Le cannibalisme n'est pourtant pas totalement absent du film de Eloy de la Iglesia puisque l'anti-héros Marcos va, à un moment donné, réussir à se débarrasser des morceaux de cadavres encombrants en se servant de la machine à broyer présente dans l'abattoir où il travaille, la matière après broyage étant intégrée aux éléments de préparation d'une soupe qui connaît un grand succès auprès des consommateurs. De là à dire que ces derniers vont manger de la chair humaine sans le savoir, il n'y a qu'un pas qu'on franchira aisément, un peu à la manière du célèbre chili con carne du Drayton Sawyer de "Massacre à la Tronçonneuse 2" ! Mais ce sera tout pour ce qui concerne les allusions au cannibalisme.
Le titre original du film est bien plus représentatif de ce qu'on va voir : La semaine d'un assassin. Là, il n'y a effectivement pas tromperie sur la marchandise. Le film va en effet suivre les journées de Marcos, du dimanche au dimanche suivant, les jours de la semaine apparaissant à l'écran à chaque nouvelle journée. Et généralement, chaque jour apporte son crime. Mais attention : Marcos n'est pas une machine à tuer, comme pouvait l'être le personnage principal dans Henry, Portrait d'un Tueur en Série par exemple. Dans ce film, Henry prend un réel plaisir à massacrer les gens. Dans Cannibal Man, Marcos ne retire aucune satisfaction des meurtres qu'il commet. C'est d'ailleurs là l'originalité du film de Eloy de la Iglesia : on assiste juste à une spirale meurtrière non préméditée, qui a lieu juste par réaction d'auto-défense du personnage principal, superbement interprété par Vincente Parra. On se croirait presque dans une sorte de parodie même, tant les circonstances amenant aux meurtres relèvent de l'ordinaire le plus classique pour Marcos. Un chauffeur de taxi qui s'en prend à sa fiancée, cette dernière qui veut aller à la police, son frère qui veut aussi qu'il se rende aux forces de l'ordre après avoir vu le cadavre de Paula, la fiancée du frère qui cherche son futur mari et tombe sur son cadavre et ainsi de suite. Il suffirait de mettre une bande sonore issue d'une comédie pour qu'on plonge dans une parodie de film d'horreur, façon Tucker et Dale fightent le Mal par exemple.
Sauf que le réalisateur espagnol ne traite pas son film de manière comique, malgré un certain humour noir bien présent. On a vraiment l'impression d'assister à la descente aux Enfers d'une personne lambda, qui ne voit pas d'autres solutions que d'éliminer les témoins gênants pour se protéger lui-même. Ne sachant comment se débarrasser des corps, Marcos les entasse dans sa chambre et les laisse pourrir, étant obligé d'acheter des dizaines de bombes parfumées et des flacons de parfums pour dissimuler l'odeur infecte qui commence à se répandre dans la pièce, puis à l'ensemble des pièces de sa maison. Même les chiens errants se mettent à s'entasser devant la porte d'entrée, attirés par l'odeur de la viande en décomposition. On pense parfois au film Blue Holocaust de Joe d'Amato niveau ambiance. Le gore répond présent, de manière assez concise par contre, avec une gorge coupée au couteau ou la fameuse scène du hachoir en plein visage. Le sang, en ce qui concerne sa texture et sa couleur, n'est pas très crédible mais ce n'est pas ce qui intéressait le réalisateur je pense.
Il en va de même pour la notion de suspense, qui n'est en fait pas vraiment mise en avant ici, si ce n'est avec le personnage d'Esteban, un voisin huppé qui peut voir tout ce qu'il se passe dans la maison de Marcos à l'aide de ses jumelles. Ce jeune homme semble d'ailleurs vouloir faire ami-ami avec Marcos et on passe son temps à se demander s'il a vu tous les meurtres, s'il est courant et quels sont ses intentions réels vis a vis de Marcos. Des intentions qui se dessinent au fur et à mesure de leur rencontre et qui ne posent plus de questionnement après la scène de la piscine. C'est d'ailleurs à cause de ces allusions non dissimulées à l'homosexualité que le film d'Eloy de la Iglesia a eu le plus de souci avec la censure de l'époque et non à cause de la violence graphique. On se demande aussi si des personnes extérieurs vont découvrir ce que cache Marcos dans son sac. Mais ce sera à peu près tout. En fait, Cannibal Man ne répond à aucun standard bien défini mais mixe tout de manière intelligente et original. Giallo, horreur, comédie noir, drame, film sociétal, il est tout cela à la fois et ne rentre dans aucune case. Il n'y a pas de fulgurance visuelle, ni de mouvements vertigineux de la caméra, ni de rythme trépidant, ni de séquences fantasmagoriques. Tout est orchestré de manière froide, presque clinique, afin de coller au plus près à une réalité sèche, sans fioriture aucune. C'est assurément un film à découvrir pour qui aime les œuvres insolites, marquantes. Et l'édition d'Artus Films sera celle qui vous conviendra puisque le film est présentée avec une superbe qualité d'image et dans sa version la plus complète, avec 107 minutes et des poussières au compteur. De quoi savourer ce film hors norme...
* Disponible en combo DVD + BR chez -> ARTUS FILMS <-
Bonus :
- le livret « La Semaine d’un assassin » par David Didelot (64 pages)
- Montage américain (94 minutes)
- Présentation du film par Emmanuel Le Gagne
- Entretien avec Gaspar Noé
- Diaporama d’affiches et photos
- Bande-annonce originale
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