Compte-rendu du Festival de Gérardmer 2021

Par David Maurice

 

Un festival qui a su s’adapter à la crise sanitaire

Contexte de crise sanitaire oblige, la 28ème édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer se mit à la page et se tourna vers le virtuel. Une bien belle reconversion ponctuelle qui nous permit de vivre le festival malgré ce fichu virus ayant paralysé une partie de notre pays. L’occasion également de soutenir la Culture, bien rongée par la crise sanitaire (musées, théâtres et cinémas fermés au grand regret de nombreux français).

Alors du coup… Finies les files d’attente où nous aimons chaque année nous retrouver entre festivaliers (on retrouve toujours quelques têtes des années précédentes avec beaucoup de plaisir) pour discuter cinéma fantastique, finies les expositions et autres joyeusetés présentées dans la salle du Grimoire (stands littérature, goodies, jeux de société et maquillages), finies les ambiances fantasticophiles dans les salles et les fameux ricanements et hurlements lancés avant le début de chaque film, finies les bonnes odeurs de vin chaud et autres en-cas caloriques (tarte flambée, hamburger, pizza, hot-dog, beignet fourré…) que nous dévorons habituellement sous un froid de canard (seule façon de s’alimenter quand on veut voir un maximum de films, habituellement entre 22 et 24 à chaque édition pour votre rédacteur, sans compter les courts-métrages une année sur deux environ)…

Hé oui, cette année c’est en chaussons, plaid parfois remonté jusqu’au cou histoire d’être bien blotti dans le canapé (avec les deux chats parfois collés à moi également) et jamais très loin d’un paquet de gâteaux (à Gérardmer ce sont plus des bonbons généralement) que je regarde, sans mon acolyte cette année malheureusement (et qui est papa depuis peu donc les nuits sont déjà assez agitées comme cela lol), les films proposés sur la plateforme du festival.

Et pourtant, les organisateurs ont fait preuve d’originalité pour essayer de nous mettre dans l’ambiance habituelle qui règne dans les salles en faisant notamment intervenir notre maître de cérémonie (que l’on surnomme Fido depuis quelques années maintenant) avant chaque film en compétition dans une petite scène où, vêtu d’un déguisement du film, il nous présente le film et son réalisateur. Autre chose sympathique pour permettre une sympathique immersion : les bruits de salle enregistrés lors d’éditions précédentes et mis en fond lors des introductions de chaque film (les fameux aboiements du public retentissent lors de l’apparition de la figure emblématique du loup-garou ou encore le bruit si particulier qui résonne à l’approche de l’étrange créature du lac noir pour se finir par le ricanement machiavélique de l’une de mes connaissances sur le festival présente chaque année dans les gradins de l’Espace Lac).

En tout cas, une chose est sûre : cette 28ème édition s’est déroulée sans accro. Pas de ralentissement, pas de bug (nous redoutions toutes et tous un peu cela) : les visionnages étaient fluides, les sous-titrages étaient simples à mettre en route au début de chaque film et les commandes en général très intuitives pour permettre même aux novices de l’informatique de naviguer et utiliser le système sans problème. Chapeau bas pour cette belle performance !

Un véritable challenge pour votre rédacteur mais une envie comme chaque année de vous faire vivre le festival

Contexte de crise sanitaire oblige, je n’avais cette année pas pris de congés du mercredi au vendredi et donc les films ont été vus en soirée et durant la nuit durant ces trois premiers jours de festival avant de lâcher réellement du lest le week-end pour m’envoler dans un tourbillon de films. Trois premiers jours de festival difficiles durant lesquels je travaillais de 8h à 17h30, m’occupais de ma petite famille (une femme, deux enfants et deux chats, ça fait du monde!) une fois rentré du travail jusque 20h30 pour enfin me lancer dans trois films avant de me coucher en rêvant d’esprits frappeurs, loups-garous et autres monstres vus dans les longs-métrages visionnés. Des journées bien remplies donc, bien plus fatigantes que les habituelles journées passées à la Perle des Vosges lors de chaque édition de notre festival préféré !

C’est d’ailleurs pour cela qu’il m’a été particulièrement difficile de confectionner les habituels petits lives sur notre page Facebook en direct du festival (comportant une mini-critique de chaque film) que j’appelle chaque année les fameuses “Festi’News” (chose qui d’ailleurs perd un peu de son charme cette année du fait que je n’étais pas vraiment dans les Vosges pour vous faire “vivre” le festival comme chaque année) qui ont connu leurs fans au fil des années (j’ai même déjà surpris des festivaliers en train de les lire dans l’attente de la projection d’un film dans le but de programmer la suite de leur séjour géromois lol). Des lives qui mine de rien prennent énormément de temps pendant le festival depuis la poignée d’années maintenant que je vous les propose (avant je vous proposais “uniquement” le compte-rendu en fin de festival, un travail déjà très conséquent mais qui fait la fierté de notre site car nous faisons chaque année en sorte de proposer le compte-rendu le plus complet sur le festival disponible sur la toile : un pari tenu chaque année!).

Ainsi, pour compenser l’absence de mini-critiques après chaque film (et refusant de vous laisser tranquilles pendant le festival lol), je vous donnais en une seule phrase (ou deux… lol) mon avis sur chaque film au fil des jours (et ce jusqu’au samedi inclus car le dimanche fut la journée la plus intense en termes de visionnage), petit avant-goût du compte-rendu que vous avez aujourd’hui devant vos yeux !

Contexte de crise sanitaire oblige, c’est avec beaucoup de regret que je ne vis pas cette année notre hébergeuse habituelle, gentille bénévole sur le festival qui nous ouvre sa porte chaque année pour nous loger non loin des salles de cinéma.

Promis, l’année prochaine nous serons là si un certain virus, objet du plus long film d’horreur qu’il nous ait été donné de voir malheureusement, décide de nous foutre la paix…

Des similitudes avec les éditions précédentes… et quelques différences

Bref, cette 28ème édition, radialement différente des autres, gardait toutefois sa colonne vertébrale, à savoir : une compétition de longs métrages (12 au total), une compétition de courts métrages (5 films), une sélection de films hors compétition (11 films), une Nuit Décalée (3 films), une séance spéciale (dessin animé) et enfin la sélection Rétromania (4 films vus « dans le rétro » : « Chromosome 3 », « Le loup-garou de Londres », « XTro » et « The addiction »).

Qui dit « compétition » dit « Jury » et là aussi ils étaient bien présents, mais en distanciel bien évidemment ! Bertrand Bonello présidait le Jury de la Compétition des longs métrages, jury composé des comédiennes Lolita Chammah et Vimala Pons, de la chroniqueuse, humoriste et comédienne Nora Hamzawi, du réalisateur scénariste Pascal Bonitzer, du romancier Maxime Chattam, de l'entrepreneur et auteur Alexandre Pachulski et du comédien Gaspard Ulliel.

Du côté de la compétition des courts métrages, le jury était composé du comédien Pio Marmaï entouré des comédiennes Roxane Duran, Chloé Jouannet et Sarah Stern et des réalisateurs Léo Karmann et Xavier Palud

Et qui dit « Jury » dit « prix » : les traditionnels Grand Prix, Prix du Jury, Prix du Public, Prix de la Critique, Prix du Jury Jeune et Prix de la Bande originale étaient là. Seule différence, le Prix du Public était mesuré différemment : nous ne donnions plus une « note » (« Mauvais », « Bien », Très bien » et « Excellent ») à chaque film de la compétition mais nous étions attendus dans la rubrique « Prix du Public » sur le site pour voter une seule fois pour notre film préféré.

Afin d’éviter le piratage des films et ainsi de les retrouver sur des plateformes clandestines, notre nom d’utilisateur accompagné de notre adresse mail s’inscrivait sur la gauche de l’écran lors de chaque visionnage de film.

Enfin, pour des droits d’auteur évidents, le nombre de Pass Festival (permettant de visionner l’intégralité de la programmation) était limité à 400 (inutile de vous dire que ces derniers sont partis à la vitesse de l’éclair le jour de la mise en vente, ne laissant aux autres festivaliers que la possibilité de prendre des Pass plus restreints et bien évidemment moins rentables ou encore des places à la séance au tarif unique de 5€).

Il est à présent temps pour moi de vous faire découvrir les 24 films que j’ai pu visionner durant ce festival virtuel. Comme chaque année, le compte-rendu est divisé par journée (les cinq que dure le festival, du mercredi au dimanche). Enjoy !

 

MERCREDI 27 JANVIER 2021

HOST (Compétition)

Six amis engagent un medium pour une séance de spiritisme sur Zoom pendant le confinement. Très vite, la situation dégénère quand ils réalisent qu’ils ont laissé entrer un esprit maléfique chez eux… Survivront-ils à la nuit ?

A l’image d’un « Unfriended », nous avons là un film dont l’action se déroule au travers d’un écran d’ordinateur du début à la fin.

Un film qui a eu la particularité d’être tourné pendant le premier confinement aux Etats-Unis, contraignant les acteurs et actrices à gérer eux-mêmes les effets spéciaux et autres mouvements de caméras étant donné que l’équipe technique du film (y compris le réalisateur) étaient à distance.

Alors, étant donné que nous pouvions visionner les films dans l’ordre que nous le souhaitions (en ce qui concerne la compétition et le hors-compétition car la Nuit Décalée n’était disponible qu’à partir du samedi à 22h), j’ai volontairement choisi de démarrer ce festival virtuel par ce film qui semblait être le moins bon sur le papier. Un choix stratégique au cas où un problème technique au démarrage (nous ne sommes jamais à l’abri d’un problème de compatibilité informatique) m’aurait empêché de le voir correctement, histoire d’avoir le moins de regret possible…

Alors, comme vous le savez je n’ai rencontré aucun souci technique mais j’avais bien raison de me méfier de ce film. Vu et revu, sans grande originalité sinon celle de nous faire vivre une séance de spiritisme via une visio (coronavirus oblige), ce qui réserve paradoxalement son petit lot d’énervement (image saccadée, son parasité, des effets évidemment souhaités mais très pénible à la longue), le film est plombé par des protagonistes bêbêtes (on joue à se faire peur, on fait des blagues idiotes…), un abus de jumpscares prévisibles faciles (et moches pour beaucoup d’entre eux) ou de visions fantomatiques/démoniaques (là aussi parfois bien laides) et un scénario creux au possible où des dialogues sans le moindre intérêt se succèdent pour mieux nous ennuyer devant notre écran.

Redondant et ennuyeux au bout d’un certain temps (heureusement le film ne dure qu’une heure), « Host » n’a que seul intérêt de nous montrer des meubles s’ouvrir et se vider (qui a parlé de « Dark touch » de Marina De Van ?) ou encore des entités poursuivant nos protagonistes dans les couloirs avec une certaine efficacité.

Une belle première déception. Mais qui n’en a jamais eu en festival ? D’autant plus que celle-ci est sacrément prévisible donc il en fallait plus pour me décourager, animé par cette fibre géromoise annuelle que je ne risque pas de perdre de sitôt !

BUTCHERS (Hors-Compétition)

Une famille de bouchers sadiques a élu domicile dans l’arrière-pays, loin du monde et du regard des hommes. En toutes saisons, hivers glacials comme étés caniculaires, tous ceux qui croisent leur chemin sont des victimes potentielles…

Il était déjà l’heure à présent de regarder ce fameux « Butchers » dont beaucoup parlaient depuis quelques temps maintenant.

Nous voici face à un survival forestier qui ne cache pas ses références (« Massacre à la tronçonneuse » ou « Détour mortel ») et qui, malgré un rythme plutôt bien soutenu, manque clairement d’originalité (tous les clichés du survival sont retranscrits ici, avec notamment cette fuite qui finit dans les bras d’un des membres de la famille de dégénérés : prévisible au possible car tellement de fois vu…).

Alors oui, le final sympathique (pour ne pas dire un peu « vas-y que je te balance mon dernier personnage pour en mettre plein la figure au public ») fait son petit effet en fin de métrage mais si on revient sur l’histoire du film on se rend aisément compte que c’est creux (à force de pomper des idées par-ci par-là on perd l’aficionado alors en plein terrain battu).

Au niveau du casting, c’est guère entraînant là aussi : le chef des tarés manque clairement de charisme tandis que l’héroïne est totalement retrait… à l’inverse d’un frère débile et d’un jeune homme excellent en scream boy (la scène de tranchage des tendons d’Achille marque surtout du fait de la prestation du jeune homme envahi par son rôle de victime affolée).

« Butchers » est un survival honnête, sans grand artifice, qui plaira au jeune public et aux personnes n’ayant pas pour habitude de regarder ce genre de film. Pour les autres, passées deux trois scènes saignantes (mention spéciale à la scène du fœtus), il ne leur restera finalement pas grand-chose de mémorable dans ce film, la faute entre autres à un sentiment de déjà-vu omniprésent et plusieurs acteurs peu convaincants. Mais pour autant cela se laisse regarder sans réel déplaisir et c’est déjà bien quand on voit le nombre de ratés dans cette catégorie filmique…

TEDDY (Compétition)

Dans les Pyrénées, un loup attise la colère des villageois. Teddy, 19 ans, sans diplôme, vit avec son oncle adoptif et travaille dans un salon de massage. Sa petite amie Rebecca passe bientôt son bac, promise à un avenir radieux. Pour eux, c’est un été ordinaire qui s’annonce. Mais un soir de pleine lune, Teddy est griffé par une bête inconnue. Les semaines qui suivent, il est pris de curieuses pulsions animales…

Ce fut le tour cette fois-ci du film de loup-garou français qui faisait partie des grosses attentes de la compétition cette année : le fameux « Teddy » si bien vendu par le festival.

Avec ses personnages attachants (de pauvres gens un peu niais, une jeune fille paumée, un Teddy marginal et plein de rêves dans la tête alors que la réalité est tout autre…), son humour bien dosé, son rythme soutenu et son message sur les inégalités sociales passé par le biais du loup-garou (tiens, cela pourrait rappeler l’excellent « Les bonnes manières »), « Teddy » est un bon divertissement.

Que celles et ceux venus voir un florilège d’effets spéciaux à la Rick Baker ou à la Rob Bottin (vous voyez bien de quels films de loups garous je veux parler…) ne s’attendent pas à pareille démonstration. En effet, si les effets sont peu visibles (le loup garou est difficile à distinguer) ou donnent l’impression que nous avons loupé une séquence mémorable (comme lors de la découverte de nombreux corps éparpillés sur le sol témoignant d’un véritable carnage), certains feront tout de même leur petit effet (les pieds qui explosent les chaussures ou encore le poil arraché du globe oculaire sont les effets les plus mémorables du film).

Car ici le loup-garou n’est pas là que pour faire peur ou donner une dimension fantastico-horrifique au métrage : c’est surtout un prétexte pour nous dépeindre la marginalisation d’un jeune homme et mettre le thème de l’exclusion au cœur de notre histoire. Comme les loups à la campagne que l’on éloigne des bêtes d’élevage et des enfants, notre cher Teddy n’est pas très populaire et beaucoup s’en écartent (tout comme lui s’est éloigné du monde en se déscolarisant) : entre le marginal du village et un loup chassé par les villageois, il n’y a qu’un pas.

On suit donc la transformation de Teddy, dont les grandes phases sont étroitement liées à des moments particuliers (rupture amoureuse, confrontation avec d’autres jeunes, liaison avec sa patronne…) et signent la descente aux enfers de ce jeune homme sans diplôme que la Société ne savait visiblement que faire (l’introduction du film nous le présente comme une sorte de parasite avec son van, sa musique punk, ses altercations en pleine commémoration de guerre ou encore sa façon de squatter chez les parents de sa copine). Marginal tête à claque et violent au départ, cette morsure le transforme progressivement en bête, un loup souvent marginalisé lui aussi. Des traits qui se dessinent au fil de l’histoire alors que Teddy est de plus en plus seul et exclu…

Avec son loup-garou vecteur d’émotions dans ce drame social teinté de fantastique et de petites touches d’humour qui font mouche, « Teddy » nous fait vivre l’isolement et l’exclusion de plus en plus prononcés d’un jeune marginal déscolarisé qui vit une véritable descente aux Enfers.

Selon moi la vraie bonne surprise de cette première journée de festival virtuel !

JEUDI 28 JANVIER 2021

THE MORTUARY COLLECTION (Hors-Compétition)

Une jeune femme pénètre dans une très vieille maison funéraire afin de s’enquérir de l’annonce d’emploi affichée à l’extérieur. Elle est accueillie par l’imposant Montgomery Dark, croque-mort de son état. L’entretien d’embauche prend la forme de récits macabres racontés par le taulier, tous plus terrifiants les uns que les autres, pour le grand plaisir de la candidate.

Petit film à sketches horrifiques, “The mortuary collection” est un honnête divertissement dont les chapitres demeurent malheureusement inégaux : alors que l’un est rapide et scénaristiquement vide au point d’en devenir anecdotique (une voleuse se fait attraper par une sorte de poulpe caché dans une armoire à pharmacie), le second s’avère amusant et dynamique (un jeune nymphomane se retrouve victime de ses agissements et de son insouciance) à l’inverse d’un troisième segment long et ennuyeux (un homme peine à cacher le corps de sa femme), mais heureusement tout cela finit par un quatrième chapitre inventif, surprenant et haletant (un babysitting qui part en violente confrontation), qui viendra s’amorcer directement avec le fil conducteur du film (les séquences avec le fameux narrateur), comme pour nous dire qu’il fallait impérativement finir sur une bonne note au vu du résultat global clairement en demi-teinte.

Si nous oublions le côté inégal du produit fini en termes de qualité, nous pouvons en retenir plein de bonnes choses, comme cette ambiance et cet atmosphère de départ qui nous plongent d’emblée dans un décor de maison hantée typé années 50. Un fil rouge réussi qui va desservir des histoires diverses et variées interprétées par des acteurs et actrices de bonne facture et dans lesquelles les mises à mort sont pour chacune différente.

Un bon petit moment de cinéma dont nous comprenons les sélections au PIFFF ou à Fantasia également. Et même si ce dernier ne figurera pas dans le haut du panier des films à sketches, il n’en demeure pas moins comme l’un des meilleurs vus ces dernières années (et Dieu seul sait le nombre incalculable de films à sketches qui sortent tous les ans).

GHOSTS OF WAR (Hors-Compétition)

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, cinq soldats américains sont envoyés en France pour empêcher les Allemands de reprendre un château précédemment occupé par des dignitaires nazis. Mais ils se retrouvent confrontés à une force surnaturelle, bien plus terrifiante que tout ce qu’ils ont pu voir sur le champ de bataille.

Après “L’effet Papillon” en 2004, Eric Bress revient avec un film de fantômes à l’ambiance remarquable (une vieille demeure inhabitée pendant la seconde guerre mondiale dans la France occupée) qui, après nous avoir tantôt fait frissonner dans cette grande bâtisse hantée, tantôt excité devant certaines confrontations musclées entre nos vaillants Alliés et les vilains Nazis, va basculer soudainement avec habilité dans la science-fiction pour porter une toute autre réflexion sur cette histoire mêlant génie scientifique et paranormal qui restera dans les mémoires de nombreux festivaliers qui viennent d’assister là à un très bon moment de cinéma.

Alors que certain(e)s verront en « Ghosts of war » un film un peu fourre-tout (guerre, fantômes, magie noire…) et déploreront l’utilisation abusive de jumpscares, d’autres comme votre rédacteur souligneront surtout l’originalité et la créativité émanant du scénario qui, même si perfectible, n’en demeure pas moins surprenant et haletant.

En ce qui me concerne, voilà bien ce qui sera l’un des meilleurs films de cette 28ème édition du festival.

THE OVER SIDE (Compétition)

Shirin, débutante dans son rôle de belle-mère, emménage dans une maison jumelée à une autre avec son partenaire Fredrik et son fils Lucas. Ce nouveau foyer lui semble être l’endroit idéal pour fonder une famille. Mais lorsque Fredrik part en déplacement professionnel, Shirin entend des bruits étranges émanant de l’autre moitié du pavillon, alors que Lucas se fait un nouvel ami.

Seul film en compétition vu sur cette journée du jeudi, « The over side » ne restera pas dans les annales de ce festival.

Alors oui, le film s’avère maîtrisé sur bien des points (cadrages, lumières, ambiance, design de la « chose »…) et montre là le professionnalisme de ses concepteurs qui ont voulu faire de « The over side » un film esthétiquement réussi.

Seulement voilà, le gros souci avec ce film suédois, c’est que le côté graphique semble avoir nettement pris le dessus sur le côté scénaristique du projet. Noyé dans les nombreux clichés du genre (l’effrayant grenier et sa trappe, le ballon qui roule jusqu’à nos pieds, l’entité démoniaque qui passe dans l’arrière-plan à maintes reprises, le mari qui se refuse de croire à tout cela… et j’en passe…) que nous traînons tout au long du film et nous empêchent de rentrer totalement dans cette histoire qui nous parait tellement vue et revue (et qui, comble de tout, se termine sur une fin rapidement expédiée, pour ne pas dire tout simplement bâclée), « The over side » en devient un film quelconque, difficilement mémorable.

« Dommage car il y avait de l’idée » se prête-t-on parfois à dire à la fin d’une critique. Ici, non… De la créativité et de l’inventivité, nous n’en voyons guère dans ce film passe-partout qui aurait mérité une intrigue bien plus fignolée pour ne pas tomber dans la banalité dont nous venons d’être témoin. « Dommage car c’était esthétiquement sympa » serait une amorce plus adéquate ici…

 

VENDREDI 29 JANVIER 2021

THE STYLIST (Compétition)

Tout le monde rêve de devenir quelqu’un d’autre… mais pour Claire ce rêve devient une obsession, puis un véritable cauchemar. Son travail de coiffeuse lui permet de s’évader en écoutant les histoires de ses clientes jusqu’au moment où elle décide d’arrêter la discussion… et d’en finir pour de bon avec elles. La vie solitaire de Claire, avec sa routine bien ordonnée et ses secrets inavouables, est chamboulée le jour où une de ses fidèles clientes lui demande de la coiffer pour son mariage…

Premier film de cette journée du vendredi et pas des moindres car il s’agit tout simplement du meilleur long-métrage que j’ai pu voir cette année lors de cette édition virtuelle du festival.

Présenté en Compétition et totalement oublié dans le palmarès de cette 28ème édition à ma grande déception comme nous le verrons en toute fin de compte-rendu dans le chapitre dédié aux divers prix décernés cette année, « The stylist » avait pourtant un petit quelque chose d’hautement sympathique.

Par le biais de son film, Jill Gevargizian nous montre les conséquences mentales dévastatrices que peuvent avoir l’isolement social mêlé à des désirs refoulés chez une personne fragile, ici une talentueuse coiffeuse prénommée Claire qui se forge de nouvelles vies (qui lui permettent de sortir de son train-train quotidien peu exaltant) en enfilant les scalps de ses malheureuses victimes.

Plongés dans la tête malade de notre protagoniste qui nous livre ici une performance remarquable, à l’image d’une certaine Angela Bettis dans « May », nous la suivons dans ses pulsions meurtrières sanguinolentes que rien ne semble pouvoir arrêter, malheureusement pour son entourage.

Alors oui, dit comme cela, le film semble légèrement barré… et il l’est… mais sans jamais tomber dans le grand n’importe quoi ou les excès sanguinolent en veux-tu en voilà. Non, « The stylist » est soigné, très littéraire dans son approche, et cherche avant tout à nous peindre le quotidien d’une jeune femme mal dans sa peau, souffrant de solitude et d’ennui, qui en vient au crime pour apporter du « sang » (c’est le cas de le dire) neuf à son quotidien et ainsi briser ce carcan l’exposant à une vie monotone, envieuse de la vie mouvementée et riche en évènements de certaines de ses clientes qui n’hésitent pas à se confier à elle pour leur plus grand malheur (d’ailleurs, cette façon de transposer la confession auprès d’un Homme d’Eglise à une discussion avec sa coiffeuse est une idée fichtrement originale : car il est vrai que nous en viendrions plus facilement à nous dévoiler – et pourquoi pas à confier des secrets – à un(e) coiffeur(se) qui en général est une personne qui ne nous connait pas vraiment et qui n’interfère pas de ce fait avec notre vie privée plutôt qu’à quelqu’un de notre entourage avec qui certains secrets pourraient rapidement être exposés).

BOYS FROM COUNTY HELL (Compétition)

 Soyez les bienvenus à Six Mile Hill, un village irlandais où, d’après la légende locale, Bram Stoker y aurait séjourné une nuit. C’est ici qu’habite Eugene Moffat, un jeune homme qui passe la majeure partie de ses journées à boire des pintes avec ses amis et à se moquer des touristes venus visiter la tombe d’Abhartach, un mythique vampire irlandais qui aurait inspiré le personnage de Dracula. Mais une nuit, Eugene et sa bande réveillent par mégarde le maudit suceur de sang et la ville d’ordinaire si paisible se transforme peu à peu en un champ de bataille sanglant…

Second film en compétition de la journée, « Boys from county hell » est typiquement le genre de film fait pour plaire à tout le monde. Pas de prise de risque dans son scénario et simple dans sa narration, voilà le genre de long-métrage passe-partout qui n’apporte certes rien au genre mais réussit à divertir sans trop de problème.

Film britannique de vampire plutôt plaisant à regarder en raison d’un rythme fort soutenu, d’une petite pincée d’originalité (que ce soit le cadre irlandais ou notre monstre qui aspire à distance le sang de ses victimes!), d’une galerie de personnages amusants et d’un prédateur coriace comme on les aime, « Boys from county hell » vacille entre horreur et humour mais sans jamais trop savoir sur quel pied danser malheureusement.

Un dosage horreur/humour que nous aurions peut-être préféré avec une nette dominante humoristique ici (tant les acteurs semblent motivés pour nous offrir une bonne petite dose de rire) à l’instar de l’un de ses compatriotes passé il y a quelques années sur Gérardmer, le délirant « Grabbers », qui lui pour le coup mettant clairement l’accès sur la comédie et la dérision.

Voilà peut-être (pour ne pas dire probablement) ce qui manquait à ce « Boys from county hell » pour nous embarquer dans son histoire de vampire qui n’en demeure pas moins très sympathique.

SUPERDEEP (Hors-Compétition)

1984. Cercle Arctique. Située 12 000 mètres sous la surface de la terre, la station de forage de Kola dissimule le plus grand laboratoire secret d’Union Soviétique. Quelques mois après son ouverture, des scientifiques enregistrent des voix et des cris émanant des profondeurs. Le site est mis en quarantaine et une équipe est dépêchée sur place afin de découvrir ce qui se cache dans les abîmes de la Terre…

La Russie a le vent en poupe cette année dans le hors-compétition avec deux longs métrages de très bonne facture dont voici le premier qui m’est dévoilé : « Superdeep ».

Arseniy Sukhin a été marqué par son service militaire à la frontière russe et cela se voit dans son premier film dans lequel il nous catapulte avec une poignée de soldats virils dans les profondeurs de la Terre, à l’intérieur de grands laboratoires dans lesquels un parasite rôde et s’attaque au moindre survivant encore présent. Une chasse à l’homme se lance alors dans les entrailles de la Terre, véritable guerre à huis clos contre un ennemi redoutable créé par des scientifiques au service de l’armée russe qui s’est finalement retourné contre ses créateurs.

Avec ses effets spéciaux qui sentent bon l’organique et les Eighties (des amas de corps fusionnés qui font penser à la créature finale de « The Thing » ou encore aux excentricités de « Society » et « Horribilis »), son ambiance pesante (les sempiternelles alarmes qui clignotent et les sirènes qui retentissent, les monstres qui frappent derrière les imposantes portes blindées…) et son atmosphère claustrophobique (enfermés sous Terre avec comme seuls accès des conduits bouchés et un ascenseur impossible à redémarrer), l’immersion est totale dans ce film de contamination/infection (à la limite du film de monstres).

Alors certes « Superdeep » est peut-être un peu long (certaines séquences traînent quelque peu en longueur il est vrai) mais le scénario est suffisamment haletant pour nous presser d’arriver à son final dévastateur. Les promesses sont tenues et le film se termine sur des séquences mémorables très visuelles comme cela fut par exemple le cas avec le génial « The void » découvert quelques années plus tôt à Gérardmer également.

Une bonne série B divertissante que je classe volontiers dans le haut du panier du Hors-Compétition cette année.

 

SAMEDI 30 JANVIER 2021

LA NUEE (Compétition)

Difficile pour Virginie de concilier sa vie d’agricultrice avec celle de mère célibataire. Pour sauver sa ferme de la faillite, elle se lance à corps perdu dans le business des sauterelles comestibles. Mais peu à peu, ses enfants ne la reconnaissent plus : Virginie semble développer un étrange lien obsessionnel avec ses sauterelles…

Les frenchies ont la cote cette année dans la compétition car après le très sympathique « Teddy » c’est au tour de « La nuée », film non prévu dans la programmation initiale, de nous montrer des « monstres » mais plus communs dirons-nous car il s’agit non pas d’un terrifiant loup-garou mais de sauterelles qui grossissent à vue d’œil et se multiplient par milliers grâce à du sang qu’elles ingurgitent !

Non prévu dans la programmation initiale du festival (pour des raisons que j’ignore), le film de Just Philippot a été rajouté quelques temps après et, chose surprenante, le film raflera deux prix sur cette 28ème édition : le Prix de la Critique et surtout le tant désiré Prix du Public !

Les films d’animaux dangereux ne sont pas légions à Gérardmer (on se souviendra dernièrement du très divertissant « Prey » de Dick Maas) et c’est donc avec plaisir que nous suivons cette histoire sous fond d’écologie et de développement durable interprétée par des acteurs convaincants et dont le scénario joue la carte des péripéties (les mauvaises nouvelles arrivant les unes après les autres pour cette mère de famille célibataire qui peine à préserver son activité d’éleveuse de sauterelles difficilement rentable et très fragile).

Même si le film offre de nombreux rebondissements (nous sommes face à un véritable drame familial financier dont nous sommes curieux de savoir si cette mère-courage va réussir à en sortir), il faut reconnaître que ce dernier présente également quelques longueurs mais, grâce au jeu d’acteur sans véritable fausse note, la pilule passe plutôt bien et ces moments quelque peu longuets s’oublient rapidement pour laisser place au côté dramatique/sociale de l’entreprise qui nous tient en haleine durant la quasi-totalité du métrage. Un joli tour de force !

ANYTHING FOR JACKSON (Compétition)

Henry, obstétricien, et son épouse Audrey viennent de perdre Jackson, leur unique petit-fils, dans un accident de voiture, et sont accablés de chagrin. Leur croyance sataniste leur enseigne qu’il est possible de faire revivre le défunt à condition de lui trouver un hôte adéquat. Ils décident alors de kidnapper une patiente enceinte avec la ferme intention de réaliser un « exorcisme inversé ». Mais Jackson ne sera pas le seul fantôme que les grands-parents vont inviter chez eux…

Deuxième film en compétition de la journée, dans un univers totalement différent de « La nuée », « Anything for Jackson » est un film canadien baignant dans le surnaturel, les fantômes et les âmes torturées. Nous revoilà donc, après un film vacillant entre le film de genre et le film tout public, dans un métrage 100% fantastique.

« Anything for Jackson » ou comment nous plonger dans une séance de sorcellerie menée par des apprentis sorciers ! Tantôt amusant (certains personnages comme le jardinier ou le black-métalleux sont bien décalés), tantôt frissonnant (certaines âmes torturées qui reviennent d’entre les morts font leur petit effets et les quelques jumpscares disséminés par-ci par-là fonctionnent plutôt bien), le film de Justin G. Dyck, pour qui c’est loin d’être le premier long-métrage, signe là la première incursion de son réalisateur dans l’univers horrifique.

Et notre homme semble bien connaître les ficelles de ce genre cinématographique qu’est le fantastique sans pour autant tomber dans les clichés et le vu-et-revu comme beaucoup de ses confrères (je pense cette année à des films comme « Butchers » et « The over side » mais également à « Sweet river » qui arrivera un peu plus tard…). Le résultat est plutôt positif dans l’ensemble car le principal est là : les acteurs sont convaincants, l’ambiance est bonne, le rythme est soutenu (on ne s’ennuie à aucun moment face à autant de péripéties et d’emmerdes qui tombent sur notre couple de sorciers amateurs) et les effets spéciaux sont de bonne facture.

Pour ma part, j’aurais juste préféré, à l’instar de « Boy from county hell » justement, que le réalisateur prenne le parti pris de la comédie surnaturelle (un gros délire façon « Scary movie 2 » en quelque sorte) et façonne son histoire autour de l’humour et de la dérision car il y avait de la matière à exploiter, entre ce couple d’anciens totalement novices dans la magie noire et maladroits au possible et ces personnages hauts en couleur qui gravitent autour d’eux (le jardinier envahissant et le black métalleux timbré) et viennent parasiter les projets de nos deux doyens du casting.

Enfin, le côté « bordélique » de la dernière partie donne l’impression d’un final un peu bâclé (même si l’on n’en retiendra que le principal), ce qui est un peu dommage vu toute l’énergie mise dans cette petite série B concoctée avec beaucoup de soin jusque là.

Passé ce qui est pour moi les deux seuls véritables défauts du film (mais qui je l’avoue m’ont un peu gêné dans la lecture du scénario), le reste demeure une bien sympathique incursion dans le surnaturel. Et pour une première tentative dans ce milieu, c’est plus que louable !

SPUTNIK (Hors-Compétition)

En pleine Guerre froide, un vaisseau spatial soviétique s’écrase à la suite d’une avarie. Son commandant de bord est l’unique survivant. Une psychologue de renom est dépêchée sur place afin d’évaluer l’état de santé mental du cosmonaute. Elle se rend compte qu’il n’est pas revenu tout à fait seul sur Terre…

Après « Superdeep », voici un autre film russe en hors-compétition et ce dernier n’a pas volé toutes ces bonnes critiques et phrases élogieuses que nous pouvions lire à son sujet et qui m’ont mis dans le bain avant même d’appuyer sur le bouton « lecture ».

Alors, même si j’avoue ne pas avoir pris autant de plaisir que devant son compatriote « Superdeep » (l’ambiance est radicalement différente entre les deux et le premier s’avère bien plus suffocant avec sa station labyrinthique à plusieurs milliers de mètres sous terre en compagnie d’un monstre terrifiant), il n’empêche que « Sputnik » est vraiment un bon film !   

Cette histoire de parasite extraterrestre ([semi-spoiler]qui se loge dans l’estomac d’un cosmonaute [fin spoiler]) attire toute notre attention, que ce soit pour sa narration propre et soignée (mêlant émotionnel, action et science-fiction), sa galerie de personnages attrayants même si parfois stéréotypés (le vilain directeur, le scientifique orgueilleux…) ou encore son extraterrestre bien modélisé sur lequel tous les regards se tournent en raison de ses spécificités peu communes dans le cinéma de genre (je n’avais pas ressenti autant d’intérêt pour un monstre depuis « Splice » qui commence à dater maintenant).

De même, on ne s’ennuie pas une seule seconde devant le film d’Egor Abramenko, même si le fil directeur perd de son originalité (cela manque de rebondissements dans sa seconde partie bien plus classique) une fois que nous connaissons la vérité sur notre cosmonaute (qui n’est bien évidemment pas revenu seul de l’espace comme le laisse sous-entendre le résumé), ce qui est peut-être l’unique point faible de « Sputnik » à mon sens.

Nous ressortons conquis (et la larme à l’œil…) de ce visionnage qui vient de nous prouver que le cinéma russe fantastique est bien présent (« Night watch » et « Day watch » ont des successeurs bien plus intéressants qu’un « Guardians » qui fut une bien belle farce…), en témoignent les deux films du hors-compétition qu’il nous a été donné de voir cette année (sans oublier « La légende de Viy » que j’avais déjà beaucoup aimé sur Gérardmer quelques années avant).

THE CURSED LESSON (Compétition)

Hyo-jung travaille comme mannequin depuis plusieurs années mais son physique ne correspond plus aux critères de beauté actuels et elle se retrouve mise à l’écart. Elle décide alors de suivre des cours de yoga d’un genre nouveau afin de redevenir désirable. Toutes les participantes doivent s’entrainer dur afin d’atteindre le Kundalini, l’énergie ultime source de la vie dans la langue Sanskrit. Mais à mesure qu’elles s’en rapprochent, des événements de plus en plus terrifiants se produisent…

Encore un film en compétition pour moi en cette journée du samedi. Et c’est cette fois-ci « The cursed lesson », énième film de fantômes asiatique…

Vous l’aurez compris, en lançant le visionnage du film de Kim Ji-Han et Juhn Jai-Hong  je ne partais pas déjà avec beaucoup d’espoir malheureusement, lassé par tous ces films de fantômes et de malédiction en provenance d’Asie.

Et finalement mon instinct était le bon (j’aurais préféré me tromper soyez-en sûr) : « The cursed lesson » n’apporte vraiment pas grand-chose au cinéma asiatique qui nous a habitué à tellement mieux (je ne vais pas vous re-citer les grands classiques de l’horreur rassurez-vous, vous les connaissez aussi bien que moi).

Les 70 premières minutes de film semblent interminables avec ses dialogues sans grand intérêt, ses sempiternelles apparitions sous forme de jumpscares prévisibles et plus que douteux, ses mêmes jeunes filles apeurées qui crient de leurs voix stridentes…  Le tout dans un rythme à la lenteur sidérante où seules quelques scènes érotiques mettant nos comédiens à nu sauront retenir notre attention (alors ça par contre c’est LE truc surprenant du film : une sorte de danse très hot où un homme très viril empoigne une jeune femme et la pénètre à multiple reprises dans un tourbillon de figures à la limite de l’acrobatie!).

Et soudain arrive un final inattendu dont les explications permettent de redonner de l’intérêt au métrage : même si malheureusement tout cela arrive un brin trop tard, nous pouvons toutefois dire que nous avons probablement évité de justesse le grand naufrage à la « Host » !

POSSESSOR (Compétition)

Tasya Vos est agente au sein d’une organisation secrète utilisant une technologie neurologique qui permet d’habiter le corps de n’importe quelle personne et la pousser à commettre des assassinats aux profits de clients très riches. Mais tout se complique pour Tasya lorsqu’elle se retrouve coincée dans le corps d’un suspect involontaire dont l’appétit pour le meurtre et la violence dépasse le sien de très loin.

Il était temps pour moi de découvrir enfin celui qui était d’ores et déjà pressenti comme le Grand Prix de cette 28ème édition du festival de Gérardmer ! Le fameux « Possessor » de Brandon Cronenberg.

Après un premier film, « Antiviral », en 2012, nous n’avions plus entendu parler du fils de David Cronenberg et c’est donc avec beaucoup d’intérêt que nous nous sommes plongés dans ce second film qui avait déjà connu beaucoup d’éloges outre-Atlantique.

Mêlant habillement la science-fiction et le thriller, « Possessor » nous gratifie d’un scénario original dans lequel une personne peut prendre possession d’un corps à l’aide d’implants cérébraux pour commettre des meurtres à distance. A la simple lecture de ce résumé, on retrouve bien là la patte Cronenberg assurément (un certain intérêt pour les technologies comme l’avaient déjà montré des films tels que « Scanners », « Videodrome » ou encore « ExistenZ »).

En ressort un film teinté de nihilisme, à la photographie sublimée par un talentueux Karim Hussain, dans lequel la thématique principale semble être la déshumanisation de notre société.

Alors que Tasya semble vouloir aspirer à la normalité (chose pas évidente quand on travaille comme tueuse à gage pour une organisation secrète) comme le montrent ses rapports avec son ex-compagnon et père de son enfant avec qui elle tente de récréer du lien, son métier  la déshumanise au possible et l’éloigne toujours un peu plus de son rôle d’amante dans la vie « réelle ».

Un métier qui lui fait beaucoup de mal dans sa vie de famille mais qui paradoxalement semble l’attirer du fait qu’elle semble plus à l’aise et se sentir mieux dans une enveloppe corporelle qui n’est pas la sienne car elle a la possibilité de faire ce qu’elle veut sans que cela n’ait de conséquence fâcheuse sur son propre corps et sa personne plus généralement (une sécurité pour un maximum de liberté dirons-nous). Un sentiment de sécurité et de portes ouvertes vers la liberté de faits et gestes mais surtout une perte totale de sensation (son corps et son esprit sont dissociés et seul son esprit la guide et un autre corps fait le « sale boulot ») qui vont la conduire à commettre des méfaits de plus en plus violents, pour ne pas dire sauvages (les excès sanglants sont du plus bel effet et renvoient au cinéma gore transalpin fulciesque des années 80) comme le montre d’ores et déjà le premier meurtre du film au cours duquel elle devait s’en tenir au scénario concocté par ses chefs et tirer à coup de révolver et non pas utiliser une arme blanche pour faire couler le sang comme elle le fit… Un premier meurtre très graphique qui n’est que le commencement du basculement de notre pauvre Tasya qui va se livrer à un véritable combat mental entre le parasite qu’elle est et l’hôte qu’elle doit posséder dans sa prochaine mission…

Avec ce film, Brandon Cronenberg semble avoir trouvé sa voie et semble vouloir surtout se trouver un style sans tout simplement copier/coller le travail de son père, ce qui lui avait valu quelques critiques à l’époque de son premier long-métrage. Nous lui souhaitons une carrière aussi belle que celle de son père, véritable maître du fantastique.

CYST (Hors-Compétition, Nuit décalée)

Début des années 60. Un médecin de campagne a mis au point une machine utilisant un laser pour éliminer les tumeurs de la peau. Il veut à tout prix faire approuver son invention révolutionnaire et propose une démonstration aux autorités compétentes. Mais la machine transforme par inadvertance la tumeur d’un patient en un kyste monstrueux qui va répandre la mort dans le cabinet médical.

Pour mon premier film de la Nuit Décalée, je décidai de mettre « Cyst » qui sur le papier me paraissait être le film le plus dans le thème, ne sachant pas trop quoi penser de « Slaxx » et son jeans qui tue ou ce « Pyscho goreman » qui m’avait tout l’air d’un ratage complet surfant sur Toxic avec des effets caoutchouteux…

Hé bien force est de constater que je me suis bien trompé ! En effet, contre toute attente, « Cyst » fut très loin de mes attentes. Moi qui espérais voir un film aux effets gerbants, avec des tumeurs dégueulasses et du pus répugnant dégoulinant le long des kystes et autres boutons percés, je me suis retrouvé face à un film ultra kitch avec des effets minables et des acteurs ringards…

Alors oui, nous sommes typiquement dans le nanar (tout est réuni pour faire de ce film un gros n’importe quoi sympathique et haut en couleur avec des moyens financiers frôlant le néant manifestement) mais le hic est que l’on s’ennuie très vite.

Avec ses dialogues mauvais, ses effets spéciaux sans le sou et son scénario qui tourne en rond, difficile de trouver des bons points dans ce film (à la rigueur deux-trois répliques) qui heureusement durait à peine plus d’une heure. Alors oui on peut faire un hommage aux films de monstres des années 50 (nous retrouvons le scientifique un peu perché, le monstre qui grossit façon « Tarantula » ou « Them » pour critiquer la menace nucléaire…) mais soyons sérieux : là ce n’est vraiment pas jojo… En salle, nous aurions à la rigueur pu rigoler de bons petits coups devant les effets spéciaux « je m’en foutiste » mais chez soi, seul, en mode « festival virtuel », la mayonnaise ne prend pas du tout et le soufflet se transforme en crêpe…

Une première déception pour du hors-compétition cette année (car oui, j’estime que les films de la Nuit Décalée font partie du Hors-Compétition au vu de leurs dates de production récentes).

 

DIMANCHE 31 JANVIER 2021

SLAXX (Hors-Compétition, Nuit Décalée)

Une nouvelle paire de jeans, dont la gamme s’appelle Slaxx, s’attaque aux pratiques sans scrupules d’une entreprise de vêtements à la mode. Lorsqu’une caissière idéaliste du magasin phare de la marque est témoin des morts sinistres de ses collègues par la paire de jeans, elle doit tenter de comprendre ce qui anime cet article griffé pour tenter d’arrêter le massacre.

Après une petite nuit (amusant de couper la Nuit Décalée mais bon ce sont les conditions de visionnages de cette année qui font cela : quand les premiers bâillements se font ressentir on opte pour les bras de Morphée plutôt que de lancer un autre film au risque de s’endormir devant bêtement), ce fut au tour de « Slaxx ». Autre film de la Nuit Décalée qui m’intriguait autant qu’un « Rubber » avec son pneu tueur, le film de la réalisatrice Elza Kephart eut sur moi exactement l’effet contraire de « Cyst » : ici je ne m’attendais pas à grand-chose et j’ai été très agréablement surpris par la qualité de ce petit film un poil plus long que son prédécesseur.

Avec son histoire de jeans tueur sous fond d’histoire écolo et développement durable (tiens comme « La Nuée » mais dans un tout autre registre…) et son contexte politico-social (pour le coup moins drôle…), les producteurs de l’excellent « Turbo Kid » ont eu raison de faire confiance à cette jeune canadienne tant le film est jouissif et rafraichissant.

Critique de la surconsommation (on achète un jeans comme on achète des pommes), des grandes enseignes (qui donnent l’impression de jouer leur vie à chaque lancement d’un nouveau produit voulu révolutionnaire), de la mode (qui cherche toujours à rendre nos filles et femmes plus minces) et des conditions déplorables dans lesquelles sont confectionnés les jeans vendus dans les pays riches et émergents (les fameux pays asiatiques où la main d’œuvre est moins chère et où la sécurité dans les usines et sur les chan(amps)tiers n’est pas aussi mise en avant et verrouillée comme dans les usines européennes et américaines), « Slaxx » joue la satire d’une population décérébrée et d’un mode de consommation devenu dingo de bien belle manière.

Alors oui, nous aurions pu réclamer quelques mises à mort encore plus sanglantes mais les scènes que nous a concoctées Elza Kephart sont déjà bien sympathiques et signent bien dans le rouge sang la vengeance des jeans contre la société moderne !

THE DARK AND THE WICKED (Hors-Compétition)

Louise et Michael se rendent à la ferme familiale où ils ont grandi, au chevet de leur père mourant. Leur mère, en proie à des crises de démence, est convaincue qu’une force extérieure s’est insinuée dans leurs vies. Les incidents troublants se multiplient et se font de plus en plus inquiétants.

Récompensé à deux reprises au festival de Sitges, il était l’heure de voir ce fameux « The dark and the wicked », présenté lors du festival de Gérardmer en hors-compétition. Aux commandes un certain Bryan Bertino, réalisateur de « The strangers » et « The monster ».

Aux premiers abords, « The dark and the wicked » ne semble pas offrir beaucoup de sang neuf au genre, le film nous plongeant dans une maison visiblement hantée avec ses sempiternels fantômes ou démons qui peuplent les différentes salles de ma bâtisse et terrorisent ceux qui s’y aventurent, humains comme bêtes.

Mais au fil de l’intrigue (qui ne tient pas sur énormément de pages il faut le reconnaitre), nous prenons goût à ce petit film d’ambiance finalement bien réalisé, frissonnant à souhait et à la photographie sombre et efficace.

Car cette ferme perdue au milieu de nulle part dans la campagne américaine, presque toujours filmée dans la nuit, offre un cadre terrifiant et baignant dans l’insécurité. Une grande éclairée par de petites lampes, une chèvre à trois pattes qui passe à l’écran, une ombre furtive… Il n’en faut pas plus pour nous faire frissonner et même les gros clichés du genre (que sont l’utilisation récurrente de jumpscares ou l’apparition du démon en arrière plan qui soudain disparait au plan suivant) font mouche ici (alors que nous aurions crié à la facilité pour d’autres métrages).

Avec ses scènes chocs et violentes qui arrivent sans prévenir, ses démons insatiables et ses mises à mort parfois graphiques (assez rares dans ce genre de film où beaucoup de choses sont souvent suggérées), « The dark and the wicked » baigne dans des histoires de famille et de secrets inavoués pendant que des attaques surviennent sur des humains qui ont le malheur de s’aventurer trop près de la ferme pour venir au chevet d’un vieil homme mourant, patriarche de la famille.

Un film qui nous plonge dans la vie à la campagne dans l’Amérique profonde, une vie dans laquelle la chrétienté occupe une place importante. Alors quand le Diable décide de rendre une petite visite à cette famille rongée par des secrets inavoués, il s’en donne à cœur joie pour effrayer et punir notre petite famille.

SLEEP (Compétition)

Pour lutter contre les intenses cauchemars qui malmènent son sommeil, Marlene se rend dans un hameau reculé dans la montagne qui ressemble étrangement aux lieux de ses effrois nocturnes. Devenue brusquement apathique, elle y est rejointe par sa fille Mona, qui peu à peu découvre la froideur de ce lieu anxiogène. Tandis que cette dernière cherche à comprendre le mal qui paralyse sa mère, elle doit affronter le passé macabre de ce village et les forces menaçantes qui le hantent…

Ne sachant pas trop à quoi m’attendre en visionnant ce « Sleep » dont nous n’avions pas entendu grand-chose jusque là, je me suis comme beaucoup posé sur ce résumé ma fois intéressant d’une femme et sa fille qui reviennent aux sources des cauchemars d’une mère épuisée par ses nuits agitées.

Mélange de thriller psychologique et de fantastique teinté de surnaturel, le film allemand « Sleep » n’est peut-être pas ce qui se fait de plus original en la matière (ce n’est pas moi qui dirai le contraire) mais a le mérite de proposer quelque chose de fort bien écrit, rondement bien réalisé et plutôt bien interprété. On ne s’ennuie pas un seul moment devant cette histoire contrairement à ce que plusieurs ont pu m’en dire durant ce festival virtuel.

Mêlant drame familial et idéologie nazie dans un contexte contemporain, « Sleep » ne cache pas ses origines germaniques et nous plonge dans une intrigue faisant ressortir des démons du passé, le tout suivi de très près par un fantôme désireux de dévoiler la vérité sur cet hôtel à la « shining » (quelques résidents en plus…) qui cache bien des secrets depuis quelques dizaines d’années.

Alors oui le rythme est lent et l’histoire n’est pas la plus palpitante que nous ayons vue à ce jour (ni même durant cette 28ème édition du festival) mais ce petit film a un petit quelque chose qui fait que j’ai vraiment accroché. Une touche d’émotion, une petite pincée d’humour, un contexte politico-historique bienvenu et un fil conducteur mêlant cauchemars et surnaturel qui m’ont séduit et m’on fait passé un très bon moment devant mon écran.

SWEET RIVER (Compétition)

Joey, le fils de quatre ans d’Hanna, a été enlevé par le tueur en série Simpkins et n’a jamais été retrouvé. Rongée par la culpabilité, Hanna a fini par sombrer dans la drogue et l’alcool. Deux mois après sa sortie d’une cure de désintoxication, elle apprend que Simpkins est mort et décide de retourner enquêter sur le lieu du drame : Billins, une bourgade paisible entourée de champs de canne à sucre irrigués par la rivière Sweet. Elle va y découvrir de sombres secrets et menacer de les exposer au grand jour… Les vivants, comme les morts, vont tout faire pour l’en empêcher.

Autre film en compétition, « Sweet river » est un film australien réalisé par un illustre inconnu qui nous plonge en pleine zone rurale, dans les champs de canne à sucre (« ça change des grands champs de maïs » diront certains aficionados), en compagnie de fantômes d’enfants.

« Chouette, de la ozploitation ! » s’émerveilleront certains. Oui enfin bon…

Rien d’extraordinaire dans ce long-métrage si ce n’est ce décor (et cette jolie photographie) qui se prête volontiers à ce type de scénario teinté de surnaturel, isolé au milieu de champs qui s’étendent à perte de vue loin de toute civilisation moderne. Mise à part cela, nous sommes en terrain connu et le réalisateur ne semble pas trop vouloir contourner les sentiers battus et reste dans un fil conducteur des plus classiques.

Une histoire de fantômes dans laquelle le but de notre héroïne est de découvrir la vérité sur la mort de son fils et en parallèle comprendre ce qui s’est réellement passé lors de drames survenus (un accident de bus et des enfants tués par un serial killer) il y a quelques années dans cette bourgade rurale. Un thriller fantastique tout ce qu’il y a de plus classique dans son scénario et qui semble chercher comme nous l’avons déjà dit sa singularité dans sa photographie et son cadre rural, vaste territoire dans lequel se cachent, derrière les plants de canne à sucre, des fantômes d’enfants ayant connu un tragique destin par le passé… A ce niveau-là le film est réussi et nous offre une bien sympathique atmosphère angoissante et sinistre (nombreux sont les plans de nuit) qui parviendra à  faire frissonner par moments les plus sensibles d’entre vous à défaut de vous maintenir en haleine, la faute à un script sentant bon le réchauffé…

MOSQUITO STATE (Compétition)

Août 2007. Richard Boca, un analyste de Wall Street qui réside seul dans un appartement luxueux avec vue imprenable sur Central Park, exploite sans relâche des données financières et commence à avoir de sinistres visions. Ses modélisations informatiques se comportent de manière désordonnée alors que des nuées de moustiques envahissent son penthouse. Ces manifestations étranges commencent à jouer sur sa santé mentale…

« Mosquito state » : voilà bien le « film singulier » de cette compétition. Car oui, chaque année nous avons droit dans la compétition ou le hors-compétition à un film étrange, véritable ovni pas toujours évident à comprendre mais qui souvent possède un petit quelque chose qui malgré tout le rend attachant.

Au sein d’une grosse société américaine, Richard a créé et entretenu pendant des années un système algorithmique/économique, inspiré par le fonctionnement d’un essaim d’abeilles, pour son patron qui commence à montrer des failles à l’arrivée de la grande crise économique de 2008. Génie de la comptabilité, Richard refuse de s’avérer vaincu et veut montrer à toutes et tous qu’il est l’homme de la situation, celui qui prédit un avenir sombre pour les finances (car il prédit la crise qui va arriver) et qui propose une solution défensive. Blessé dans son orgueil (lui qui n’a pas vu arriver la crise plus rapidement) et lancé dans une lutte avec l’un de ses collègues-concurrents pour montrer qu’il est le meilleur dans son métier, Richard perd le contrôle et va commencer à s’isoler de plus en plus. Lui qui venait tout juste de rencontrer quelqu’un, une charmante jeune femme avec qui il parvient, avec beaucoup de difficultés et de maladresse, à converser, le voilà qui sombre dans la folie au vu de son algorithme qui n’est plus aussi efficace qu’il le pensait.

Une descente dans la folie, avec comme seule compagnie un moustique (qui va rapidement se transformer en véritable essaim), qui n’est pas sans rappeler un certain film avec une mouche de David Cronenberg. Une folie qui va progressivement changer ce génie de la finance qui va, suite à une piqure de moustique, faire une allergie et devenir de plus en plus irritable, les démangeaisons se multipliant face à toutes ces piqûres dont il est la victime. Le moustique ici est un peu une métaphore de la crise qui approche : progressivement il fait perdre la tête à Richard, le défigurant à coups de dar et l’obligeant à changer son système d’analyse pour se défendre.

Tout au long du film, nous suivons les étapes de croissance du moustique comme si nous avions face à nous les différents stades dans l’aliénation grandissante de Richard. Son système analytique était calqué sur le fonctionnement d’un essaim d’abeilles ? Hé bien ce nouveau système créé par un Richard de plus en plus envahi et rongé par la folie sera calqué sur fonctionnement d’un essaim de moustiques. Et de cette symbiose avec le moustique va naître un changement d’environnement, le moustique et son mode de fonctionnement et de croissance prenant de plus en place de place dans la tête de Richard, ce qui déteint sur sa vie personnelle qui se voit chamboulée et transformée. Richard semble se déshumaniser petit à petit, calquant de plus en plus son quotidien sur la croissance d’un moustique comme pour se protéger de ce monde de la finance fragile contre lequel il va falloir se protéger pour ne pas couler à l’approche de cette grande crise financière.

Même si la métaphore (comparer les étapes de l’aliénation humaine aux étapes de la croissance du moustique) est intéressante sur le papier, la réalisation elle est difficilement accessible et nous perd dans les méandres d’un scénario difficilement pénétrable. De ce fait, on en vient à survoler un peu le script pour ne pas couler à notre tour et en garder uniquement l’essentiel. A ce niveau, on se rend compte que le film est finalement assez creux pour qui ne rentre pas dans les détails complexes de cette histoire. Frustrant de se dire que le film ne nous offre finalement pas grand-chose alors que ce dernier semble si riche en informations mais que le scénario est très difficile d’accès…

IMPETIGORE (Hors-Compétition)

La chance sourit enfin à Maya en apprenant qu’elle a hérité d’une maison située dans son village natal. Elle décide de se rendre sur place avec Dini, sa meilleure amie, sans savoir que les habitants la recherchent depuis des années afin de conjurer une malédiction pesant sur les lieux…

Ah, voilà l’un des films que j’attendais au tournant dans cette 28ème édition du festival : le nouveau-né de Joko Anwar (à qui l’on doit déjà « Modus anomali, le réveil de la proie », un film certes perfectible mais qui avait su me séduire dans sa dernière partie) qui, au vu du résumé, avait suscité bien des interrogations. Affectionnant beaucoup les films de villages maudits (j’avais notamment adoré le film « Dachra » passé sur Gérardmer deux ans auparavant, au point de contacter le réalisateur pour le féliciter), je me suis empressé de le placer dans mon planning en milieu de dernière journée afin d’être sûr de ne pas tomber de fatigue après ce marathon filmique qui durait déjà depuis plusieurs dizaines d’heures.

Et « Impetigore » a clairement su me combler ! Car voilà bien un film qui remplit la totalité de son cahier des charges : scénario riche, rythme soutenu, ambiance pesante, casting de bonne facture, effets spéciaux convaincants…

Une ambiance glauque et une atmosphère mortuaire émanent de ce village peu accueillant qui nous invite bien plus à fuir qu’à y séjourner quelques jours (mais malheureusement tout échappatoire est vain : le village est perdu au milieu de nulle part et le quitter signifierait se perdre dans cette forêt s’étendant à perte de vue). Inquiétants à souhait, les villageois semblent vivre dans la peur et dans le désespoir et ne cessent de parader en silence dans le village pour aller enterrer un nouveau-né au cimetière. Brrrr… Un endroit qui fout clairement la frousse !

Très vite, nous apprenons qu’une terrible malédiction s’est abattue il y a des années sur le village et provoque la naissance d’enfants sans peau. Les deux jeunes femmes fraîchement débarquées vont être la cible des habitants qui voient en elles la possibilité de rompre cette malédiction, l’une d’entre elles étant la fille d’un riche villageois défunt par qui la malédiction est apparue. Bien évidemment, pour stopper ce mal qui ronge le village depuis tant de temps, un sacrifice humain semble privilégié… Mais si la vérité était toute autre et la solution ailleurs que dans le meurtre ?

Haletante de par cette ambiance pesante omniprésente et ce folklore indonésien envoûtant et ténébreux à la fois dans ses moments de célébrations mortuaires, cette histoire de malédiction mêlant sorcellerie et fantômes est sacrément efficace et nous plonge dans ce village avec un sentiment d’insécurité permanent (recherchée par les villageois désireux de faire couler son sang pour rompre la malédiction, la belle Maya doit impérativement découvrir la vérité sur sa famille disparue et sur les origines de ce mal qui touche les nouveaux-nés si elle veut se sauver des griffes des habitants endoctrinés et persuadés que sa mort est la seule solution pour sauver les futurs enfants).

Outre ce sentiment d’insécurité et d’isolement permanent couplé à cette ambiance pesante, « Impetigore » nous délivre un scénario riche en rebondissements et en explications en cascades en fin de récit (des explications peut-être longues mais passionnantes à suivre) qui viennent éclaircir toutes ces zones d’ombres qui planaient sur ce village maudit.

Impossible de ne pas tomber sous le charme de ce film soigné (esthétiquement comme scénaristiquement), rythmé et fort bien interprété par des acteurs envahis par leurs rôles de villageois paumés et endoctrinés peu rassurants pour ne pas dire inquiétants.

Un film dans mon top 3 géromois cette année assurément !

COME TRUE (Hors-Compétition)

Sarah, une lycéenne en crise, fait des cauchemars récurrents. Elle décide de sécher les cours et s’enfuit de chez elle. Elle accepte alors de participer à une étude universitaire sur le sommeil qui lui permettra de trouver un lieu où dormir et subvenir à ses besoins. Espérant que ses mauvais rêves disparaissent, elle va devenir involontairement l’instrument d’une découverte terrifiante.

De tous les films en hors-compétition que j’ai pu voir en entier (petit clin d’oeil à « Archive », dernier film vu lors de ce festival devant lequel je me suis endormi, faute de rythme), « Come true » est probablement le plus frustrant.

Car sur le papier le film d’Anthony Scott Burns avait de quoi intriguer, impatient de savoir quelle découverte la jeune Sarah allait faire en participant à cette étude sur le sommeil, elle qui fait souvent des cauchemars.

Finalement, le film s’avère dans sa première moitié bien creux, très monotone et guère passionnant. L’intrigue peine à décoller et nous regardons nos protagonistes roupiller pendant que des scientifiques étudient les écrans des oscilloscopes reliés aux cerveaux de nos « cobayes dormeurs ».

Passé un jeu de séduction suivie d’une partie de jambes en l’air que nous avions vue venir à des kilomètres (et qui n’a que très peu d’intérêts sauf de permettre au scientifique amoureux de dévoiler à la jeune Sarah le but de ses études et surtout ce qu’ils étudient réellement, mais là encore, nous avions deviné depuis un moment tout cela…), ce qui va nous intéresser réellement et nous intriguer arrivera sur le tard.

En effet, on va se rendre compte que ces fameuses images visualisées sur les écrans de contrôles et perçues par les cobayes pendant leurs sommeils agités (mises en scènes par des travellings avant que nous percevons couramment) sont similaires d’une personne à l’autre, comme si chacun était relié par leur subconscient et que la peur avait une même origine et se manifestait de la même façon en dormant. Cette idée de peur commune est intéressante et nous allons alors essayer d’aller plus loin (la photographie bleutée, renvoyant à un univers froid, onirique et surnaturel, se marie parfaitement avec ses séquences rêvées) et aller vers ce qui semble être la source de cette peur, de ces ombres menaçantes que nous voyons sur les écrans reliés aux cerveaux de nos « humains de laboratoires ».

Des idées vraiment intéressantes et des réflexions sur les rêves et les cauchemars que nous aurions souhaité plus approfondies mais malheureusement le film est souvent plombé par des longueurs dommageables qui empêchent de rentrer entièrement dans le circuit labyrinthique de ces rêves intrigants.

PSYCHO GOREMAN (Hors-Compétition, Nuit Décalée)

2019, dans la périphérie d’une petite ville américaine. Mimi et son frère Luke découvrent la tombe de Psycho Goreman, un seigneur de guerre extraterrestre endormi dont le seul désir est de détruire tout l’univers. Fort heureusement, ils trouvent aussi une pierre précieuse magique qui leur permet de le contrôler. Mais une ligue intergalactique de chasseurs renégats apprend la résurrection de Psycho Goreman et décide de le rejoindre sur Terre…

Dernier film de la Nuit Décalée que j’avais gardé pour le dernier tournant de ce marathon filmique, « Psycho Goreman » est le nouveau film de Steven Kostanski déjà à l’origine du très bon « The void » (vu à Gérardmer il y a quelques années) ou encore « Father’s day ». Cet artisan dans le milieu des effets spéciaux (il a travaillé notamment sur « Pacific Rim » ou le remake de « Ca ») en a sous la botte indéniablement et j’avais à cœur de voir son nouveau film lors du festival de Gérardmer !

Et une fois de plus, Steven Kostanski parvint à nous séduire, quatre ans après son « The void » qui nous replongeait avec réussite dans les années 80. Son « Pyscho Goreman », totalement déjanté, est lui aussi tourné vers les années 80 (sa décennie de prédilection comme en témoigne son collectif, Astron-6, auquel il appartient et qui met en chantier des films indépendants à petits budgets  dans l’esprit de cette fabuleuse décennie) et s’intéresse non pas aux monstres et leurs effets spéciaux organiques comme dans « The void » mais aux Sentai, des séries de super-héros japonaises comme Bioman ou Power Rangers pour citer les plus connus du Grand Public.

Blindé de références aux années 80 (on pense également à « Toxic Avenger » et à « The gate ») mais aussi aux années 90 (étrangement ce seigneur de guerre m’a fait penser au Djinn de « Wishmaster »…), « Psycho Goreman » est une comédie vagabondant entre science-fiction et horreur dans laquelle un vilain méchant va être délivré d’un cercueil dans lequel d’autres rois intergalactiques l’avaient enfermé. Ses sauveurs ? Une gamine effrontée et hyperactive appelée Mimi et son soumis de grand frère Luke, accompagnés notamment de leur père fainéant et maladroit. Une belle brochette de personnages à laquelle viendront se rajouter les autres rois des galaxies voisines qui avaient fait emprisonner notre seigneur de guerre intergalactique (qui répond dorénavant au doux nom de Psycho Goreman), des monstres/extraterrestres qui viendront sur Terre se mêler à la fête pour essayer de ré-emprisonner leur ennemi commun !

Même si les gags ne font pas toujours mouche, l’ambiance générale déjantée, les personnages décalés et le rythme fort bien soutenu permettent de nous plonger avec ivresse dans ce Monde décalé où chansons débiles et bagarres entre extraterrestres se succèdent pour notre plus grand plaisir.

Alors oui, il est dommage que les scènes sanguinolentes ne soient présentes que lors d’une confrontation brutale entre le Psycho Goreman et des voyous en début de film mais les maquillages et effets spéciaux kitchs (mais tellement loin des ringardises de « Cyst ») qui suivent font oublier cela sans grand problème.

Un bon gros délire qui vient clôturer cette sélection de la Nuit Décalée qui s’est avérée plaisante et drôle avec deux bons films sur trois, chose qui n’était pas arrivée depuis pas mal de temps ! Serait-ce le renouveau de la Nuit Décalée ? Réponse l’année prochaine !

LES ANIMAUX ANONYMES (Hors-Compétition)

Le rapport de force entre l’homme et l’animal a changé. Dans une campagne reculée, toute rencontre avec le dominant peut devenir hostile…

Voilà bien un film assez intrigant sur le papier. Un film muet d’une heure présentant des individus avec des têtes d’animaux dans les rares photos que nous pouvions voir… Un film laissé volontairement pour la fin de mon festival pour tenter de finir sur une bonne note inventive.

Le résultat est finalement en demi-teinte…

L’idée d’inverser les rapports de forces entre l’Homme et l’animal est une très bonne idée mais habituellement cette dernière se traduit par des films d’attaques/agressions animales (« Les dents de la mer », « Anaconda », Eclosions », « L’homme qui rétrécit »…) dans lesquels l’animal prend le dessus sur l’Homme et le condamne à une mort certaine.

Ici, et c’est là toute l’originalité du scénario, les animaux ont en fait pris la place de l’Homme : seule leur tête est encore présente pour nous rappeler qu’il s’agit d’un animal mais le reste est propre à l’Homme (le corps, les vêtements, les outils et même les métiers). A l’inverse, les humains sont restés physiquement identiques mais se retrouvent dans la position de l’animal : apeurés, enchaînés, emprisonnés, enrôlés de force dans des camions comme du bétail…

Un film qui clairement veut dénoncer la maltraitance animale en plaçant l’humain dans le rôle de l’animal (dans le but de nous faire réagir bien évidemment) dans diverses activités souvent dénoncées par les organisations protectrices des animaux et de la cause animale telles qu’une partie de chasse, une mise à mort en abattoir (étant auditeur dans le milieu de l’agroalimentaire, cette séquence où l’on voit les humains, stressés à bloc, arriver à l’abattoir dans les camions pour ensuite être dirigés vers la chaîne d’abattage est vraiment réaliste) ou encore dans des combats de chiens.

On regrettera l’absence de scénario à proprement parlé mais on soulignera ce bel exercice qui réussit son but : nous faire comprendre la position des animaux des animaux dans notre société ainsi que le stress et la douleur que nous leur faisons parfois subir.

ARCHIVE (Hors-Compétition)

2049. George Almore est un roboticien sur le point de faire une découverte capitale. Dans un laboratoire secret, il élabore un robot humanoïde dont le dernier prototype, J3, est presque terminé. Chaque modèle est une réplique de plus en plus avancée de sa femme Jules, décédée lors d’un brutal accident de la route. Porté par son amour pour elle toujours vivace, George a volontairement omis de divulguer le véritable but de ses recherches : créer un clone parfait de son épouse…

Ayant rejoint Morphée au bout de 50 minutes d’un métrage long et pour ma part ennuyeux, je ne peux malheureusement pas me prononcer sur ce film, la moitié de l’intrigue m’ayant échappé. Un film qui ne m’a pas du tout emballé lors de cette première heure et que je ne reverrai probablement pas pour me refaire une idée.

 

LE PALMARES 2021 :

Sans grande surprise, « Possessor » obtient le Grand Prix et le Prix de la Bande Originale tandis que « Teddy » remporte le Prix du Jury Jeune (trois prix assez logiques dirons-nous et rapidement devinés pour ma part).

Plus surprenant par contre de voir « La nuée » repartir avec deux jolis prix, celui de la Critique et surtout celui du Public ! Non pas que le film ne les mérite pas (vous l’aurez aisément compris dans mon paragraphe consacré au film plus haut : le film est vraiment bon) mais nous ne nous attendions pas à voir ce film hissé aussi haut dans le palmarès au vu de la concurrence exercée notamment par le film de Brandon Cronenberg, d’autant plus que le film n’était pas prévu dans la programmation initiale et a été rajouté après.

Petite déception me concernant car « The stylist » repartira bredouille mais aura su marquer la compétition toutefois. D’autres crieront au scandale vis-à-vis de « Teddy » (deux Prix de Jury), avis que je ne partage pas, ayant beaucoup aimé ce petit film français également.

Enfin, un Prix du Jury mérité pour le film allemand « Sleep » qui a su également se démarquer dans la compétition malgré un aspect de déjà-vu.

Grand Prix : POSSESSOR (Brandon Cronenberg)

Prix du Jury : SLEEP (Michael Venus) ex-aequo avec TEDDY (Ludovic et Zoran Boukherma)

Prix du Public : LA NUEE (Just Philippot)

Prix de la Critique : LA NUEE (Just Philippot)

Prix du Jury Jeune : TEDDY (Ludovic et Zoran Boukherma)

Prix de la Bande Originale : Jim Williams pour POSSESSOR (Brandon Cronenberg)

Prix du Court-Métrage : T’es morte Hélène (Michiel Blanchart)

 

LES TOPS ET FLOPS DE LA REDACTION HORREUR.COM :

Finissons ce compte-rendu par l’habituel top/flop qui s’est quelque peu dessiné tout au long de ces paragraphes.

Pas de véritable coup de cœur cette année (comme le furent par exemple des « Bone tomahawk », « On l’appelle Jeeg Robot », « The void », « La dernière vie de Simon » ou encore « What we do in the shadows » entre autres ces dernières années) mais une bonne dizaine de très bons films en ce qui me concerne.

Une fois de plus, je constate que le Hors-Compétition rivalise sans grande peine avec la Compétition et aura su nous surprendre avec ses deux films russes (« Superdeep » et « Sputnik »), son surprenant « Ghosts of war » (peut-être le meilleur film de cette 28ème édition), le primé espagnol « The dark and the wicked » ou encore le nouveau Joko Anwar « Impetigore » que j’attendais avec impatience.

Chose intéressante également à souligner, la Nuit Décalée renoue avec les années glorieuses de la nuit du samedi au dimanche (celles où l’on découvrait les folies de Tucker et Dale, les délires des New Kids, le génial « Bounty Killer » et compagnie…) en nous offrant deux sympathiques comédies fantastiques que furent le surprenant « Slaxx » et le WTF « Psycho goreman » (« Cyst » étant clairement le moins bon film de la Nuit Décalée, mais ce dernier était toutefois tellement meilleur que ce que nous avons pu voir ces dernières années avec des « Terraformars » ou des « Mayhem »).

TOPS 5 :

Compétition : THE STYLIST / SLEEP / POSSESSOR / TEDDY / LA NUEE

Hors-Compétition : GHOSTS OF WAR / IMPETIGORE / SUPERDEEP / SPUTNIK / THE DARK AND THE WICKED (ex-aequo avec SLAXX)

FLOPS 3 (le moins aimé en premier) :

Compétition : HOST / MOSQUITO STATE / THE CURSED LESSON

Hors-Compétition : COME TRUE / CYST / LES ANIMAUX ANONYMES (Titre non mis dans le flop par logique car pas vu en entier : ARCHIVE)

Au final, cette 28ème édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer est une belle réussite. En cette période de crise sanitaire, les organisateurs ont su tirer profit de la technologie et de l’Internet pour nous concocter une très agréable édition avec une fois de plus quelques belles surprises. Bravo !

On se dit donc à l’année prochaine… et cette fois-ci espérons-le les pieds dans la neige et un hot-dog dans la main en train de discuter avec certain(e)s d’entre vous dans les files d’attente et les salles obscures géromoises !

David MAURICE - Le 04 Février 2021