Animal soup

Animal soup

Vous en avez marre de la marée de remakes insipides vomis par Hollywood ? Les deux britanniques à l'origine d'Animal Soup aussi. Du coup, ils ont décidé d'agir.

Trois groupes de promeneurs arpentent la campagne britannique, loin de la clameur oppressante des villes. Ecrasés par le climat de peur à la suite de plusieurs actes terroristes, une petite mise au vert s'impose. Mais de ces trois groupes, aucun ne semble vraiment respecter son environnement. Que ce soit les deux brutes qui laissent leur feu allumé la nuit, ou les deux punkettes (Sophia Disgrace, choisie via Bizarre Magazine et Scorpio Vixen) qui jettent des papiers gras et quantité d'autres détritus dans la nature, tout ce petit monde semble ici en terrain conquis. Erreur ! Dans cette verdure quelques tarés locaux veillent au grain. La campagne, c'est leur territoire. Le moindre faux pas pourra coûter la vie au promeneur inconscient. Pire ! Peut-être aura-t-il droit à un peu de soupe à l'animal.

L'air de la campagne n'est plus ce qu'il était. Ça sent le vieux mégot, les excréments et la bestiole crevée. Décidément, qu'est-ce que ça pue ! Et puis, on n'est plus en sécurité nulle part.

Animal Soup vous invite à plonger les mains profondément dans le caca. Et en 83 minutes, vous allez pouvoir vous y plonger jusqu'au cou.

Le cinéma de genre indépendant anglais se fait plutôt discret depuis l'affaire des video nasties. En fait, il peine à exister face aux réminiscences de l'affaire. Le gore irrévérencieux est toujours considéré comme malvenu sur la terre d'outre manche. C'est pour cette raison que j'ai commencé à m'intéresser à Animal Soup peu de temps après sa mise en chantier quelque part en 2005.

James A Kirkby et David V G Davies, les deux créateurs, revendiquent leur appartenance à cette génération à laquelle le cinéma de genre a été voilé. "Animal Soup vise à réintroduire le cinéma d'horreur indépendant auprès d'une audience qui a été gavée de remakes insipides pendant bien trop longtemps" clament-ils. Pour cela, ils sont allés puiser dans leurs influences au rang desquelles on ne s'étonnera pas de trouver "Massacre à la tronçonneuse", "Cannibal Holocaust", "Bad Taste" ou encore "28 jours plus tard". Les deux compères sont des passionnés et leur envie d'en découdre ne s'arrête pas à quelques titres cités en influence. Non content d'avoir tourné un long métrage, ils en ont profité pour créer une base pour les jeunes talents désireux de faire leurs preuves dans le cinéma. Ce tremplin s'appelle FilmMA. A ce titre, Animal Soup servira d'exemple pour la petite société créée par David V G Davies.

Le but des deux compères n'était pas uniquement philanthropique. Au delà de FilmMA et du soutien que la société entend apporter aux amateurs, les deux anglais n'ont pas perdu de vue la réalisation de leur long métrage. Leur premier.
Malgré toutes les difficultés qu'ils ont pu rencontrer, Animal Soup a vu le jour. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la partie n'était pas gagnée d'avance. Le métrage a connu de nombreuses réécritures, dont certaines en cours de tournage. L'une des actrices – qui devait être "principale" – a été appelée à quitter le métrage en court de route. Tuile maximale de laquelle résulte une panique totale, et subséquemment la réécriture du scénario pour combler les vides. Le résultat final s'en ressent et le spectateur relativement attentif pourra deviner les raccommodages tous aussi relatifs que le degré d'attention dudit spectateur.
Cependant les deux compères ont su faire face à l'adversité. Seule la première partie du métrage en souffre réellement. Entre le cui-cui des oiseaux, les balades rupestres et les conversations dispensables, l'ennui rôde. Seules quelques trop courtes apparitions de rares dégénérés maintiennent le spectateur en éveil. C'est précisément cette part du métrage qui a été recousue – et pas seulement de fil blanc.

Après avoir lorgné dangereusement du côté de la promenade champêtre, Animal Soup adopte un virage à 180° en aussi peu de temps qu'il faut à Bridget Jones pour engouffrer un pot de Ben & Jerry's ® au chocolat, marshmallow et nappage au caramel. Soudain, deux tarés surgissent des sous bois et décident de faire passer de vie à trépas tout ce qui pourrait souiller leur campagne. Ce que l'histoire ne nous dit pas, c'est si le duo de dégénérés a pissé tout autour pour délimiter leur territoire.
Par contre, ce que l'histoire nous dit, c'est qu'en Angleterre aussi il y a des rednecks et qu'ils n'ont rien à envier à leurs cousins texans ou australiens (voir "the killbillies" pour se persuader qu'en Australie il y a autre chose que des kangourous imbéciles frappants d'un pas monotone le sable déjà trop écrasé par le soleil austral). De fait, les deux compères british ne boivent pas d'eau chaude aromatisée à la plante séchée et accompagnée de petits biscuits pour occuper leur après-midi. Leurs mœurs sont bien moins civilisés : leurs passe-temps s'échelonnent entre la torture de touriste, la masturbation et la torture de touriste (mieux vaut deux fois qu'une, c'est qu'on s'ennuie ferme à la campagne !).
Le contraste avec la première partie d'Animal Soup est tel que le film est brisé en deux segments parfaitement distincts. Ceci dit "Hostel" aussi, et pourtant ils n’ont pas changé d'acteurs principaux en cours de route, et ont dû disposer d'un budget café équivalent au budget total du métrage des deux britanniques. Mais ceci est une autre histoire, que peut-être je vous conterais un soir si vous êtes sages.

Je ne tenterais pas de vous pisser dans les mirettes une prose tiède, tout en demi teinte, en tentant de vous convaincre du génie d'Animal Soup. Effectivement, il ne s'agit pas du film de l'année, ni de la décennie, et encore moins du siècle (probablement même pas du jour pour être franc). Ce qui ne veut pas dire qu'Animal Soup soit d'un emmerdement maximal. D'autant que le concept de "film du siècle et cie" est éminemment subjectif et relève plus du conseil cinéphile que de l'impératif journalistique qui presse les indécis, incapables de distinguer un navet cinématographique d'un Uwe Boll légumophile.
Au final Animal Soup, c'est 50% promenade rupestre certifiée bio et 50% dégénérescence post-tromatique, avec en cadeau, une rapide apparition du sieur Lloyd Kaufman.

Là, vous vous dites, "nous arrivons en fin de dernière partie de la critique et cet abruti ne nous a toujours pas expliqué le titre, quant au sujet du métrage il l'a à peine effleuré." Certes ! Pour ce qui est du titre, vous le comprendrez aisément à la vision du métrage. Petit indice, il ne s'agit pas d'une référence aux bouillons d'animal en cube que l'on trouve en supermarché, joliment emballé dans un papier doré. Quant au sujet du film, vous m'en voyez mari, mais voilà qu'est venu le temps de vous laisser. Cependant, avant de briser le lien intime qui nous unit lors de cette critique, sachez que Animal Soup à les défauts de ses qualités. Il est fauché, parfois un peu long et pourtant trash jusqu'au boutiste. En le regardant, on peut presque entendre les deux compères serrer les dents en se disant que c'est pour l'amour de l'art.

"Let's Make Some Art!" ("Terror Firmer").

Note
4
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Colin Vettier