Ils
Ils
Clémentine et son compagnon Lucas vivent en Roumanie, où elle enseigne le français dans un lycée pendant qu'il peaufine son nouveau roman. Leur maison est une immense demeure, calme et tranquille, reculée au milieu des bois. Tout se passe pour le mieux pour le jeune couple jusqu'au soir où des intrus s'introduisent dans leur maison…
La peur au cinéma. Une notion bien particulière, que beaucoup de films tentent de faire vivre aux spectateurs avec plus ou moins de succès. Parmi les grandes réussites, on pourra citer "La maison du diable" de Robert Wise, "Les dents de la mer" de Steven Spielberg, "Les griffes de la nuit" de Wes Craven, "Les autres" d'Alejandro Amenabar, "Ring" d'Hideo Nakata, "Ju-On" de Takashi Shimizu ou bien encore "Le projet Blair Witch" de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez. Cette petite sélection (non exhaustive hein !) des meilleurs films de trouille se doit d'être désormais actualisée avec un film français ! Si, si, vous avez bien lu, un film français. Parce qu'il faut bien l'avouer, "Ils", le film de Xavier Palud et David Moreau, fout la trouille. D'ailleurs, il ne cherche que ça. N'allez pas imaginer d'autres intentions de la part de ces deux réalisateurs. Ils l'avouent eux même, leur film n'a été réalisé que dans ce but précis : faire peur aux spectateurs. Pari amplement réussi messieurs !
Car ce qui est difficile quand on veut faire un film qui fait peur, c'est de réussir à maintenir une tension palpable sur une longue durée. Xavier Palud et David Moreau, qui se sont rencontrés sur le tournage de la série "H" en 2000, en sont bien conscients et leur film ne dure qu'une heure dix environ. Une courte durée mais qui leur permet néanmoins d'accomplir l'exploit de provoquer stress et tension pendant au moins 60 minutes ! Un véritable tour de force qui mérite le respect.
Pour choisir le sujet de leur film, les deux comparses se sont documentés sur les phobies et les peurs des gens. Ils se sont donc aperçus que la peur numéro 1 chez nos concitoyens était que des intrus pénètrent dans leurs maisons. Et en y réfléchissant bien, c'est effectivement quelque chose de tétanisant. Qui n'a jamais eu peur, qui ne s'est jamais relevé de son lit en entendant un craquement suspect ou un bruit étrange ? Très peu de monde à mon avis. Cette peur de l'intrusion est en plus décuplée par le pouvoir de suggestion de notre esprit. Un coup de vent qui fait claquer un volet, et hop, on s'imagine des choses qui viennent nous faire dresser les poils sur notre bras et accélérer notre rythme cardiaque. Bref, le sujet était donc tout indiqué, et il s'est concrétisé lors d'un voyage en Tchécoslovaquie où un chauffeur de taxi a raconté une histoire terrifiante à nos deux réalisateurs, sur un couple qui avait vécu une nuit cauchemardesque dans leur maison en Autriche. A partir de tous ces éléments, ils suffisaient alors à Xavier Palud et David Moreau de peaufiner le scénario s'inspirant de ce fait divers. Le résultat est donc "Ils", titre à double emploi, comme on le découvrira lors du final qui vous laissera glacé d'effroi sur votre fauteuil…
Ce qui fait la grande force du film, c'est son scénario justement, épuré à l'extrême, qui ne cherche pas à en faire trop mais se contente juste de rester centré sur son sujet. Une sobriété bienvenue puisque le but est de faire que le spectateur s'identifie aux personnages du film et puisse ressentir la tension et la peur avec eux.
Après une scène d'intro que certains trouveront peut-être inutile, même si elle est diablement efficace, on nous met d'entrée dans l'ambiance et on nous fait prendre conscience qu'un danger rôde aux alentours, on nous présente les acteurs principaux de l'histoire, à savoir Clémentine et Lucas, joués respectivement par Olivia Bonamy et Michael Cohen. Olivia, tout le monde se rappelle d'elle après l'avoir vu dans "Bloody Mallory" en 2002, où elle incarnait une justicière luttant contre monstres et démons dans la joie et la bonne humeur. Elle a depuis joué dans de nombreux autres films, souvent des comédies légères comme "Mariage mixte" ou "Célibataires" par exemple. Sa fragilité apparente en fait une interprète toute désignée pour jouer dans "Ils", car nombres de spectatrices pourront effectivement s'identifier à elle. Pour l'accompagner dans ce véritable calvaire de l'intrusion domestique, on trouve Michael Cohen, qui s'en sort également fort bien dans l'exercice de retranscrire la peur et la panique à l'écran.
Le troisième acteur principal du film est sans conteste la demeure elle-même. Gigantesque, avec grenier, nombreuses chambres et surtout des couloirs que les réalisateurs prennent plaisir à filmer et dont les visions suffisent à provoquer la peur et à installer un climat angoissant. On assiste alors à un véritable huis clos tétanisant quand nos deux protagonistes découvrent que quelque chose ou quelqu'un est présent dans le jardin puis dans la demeure. Un jeu du chat et de la souris magistralement orchestré, et surtout très crédible, ce qui fait qu'on "vit" cette intrusion avec Clémentine et Lucas, qu'on partage réellement leurs angoisses. Les réalisateurs ont également été assez intelligents pour ne pas nous dévoiler l'identité du ou des intrus potentiels avant le final, si bien qu'on en arrive même à se demander pendant un temps si on a bien affaire à des gens vivants ou à des spectres.
Ce jeu de cache-cache est renforcé émotionnellement par l'incroyable bande sonore, très travaillée et qui, sur une vision en 5.1 ou DTS va vraiment vous flanquer une sacré pétoche ! Craquements, bruits, effets sonores, tout est fait pour que le trouillomètre monte rapidement à son niveau maximum.
On pourra regretter une petite baisse de tension quand l'action du film se déplace à l'extérieur de la maison, bien que ce nouveau décor va en amener un autre qui servira de conclusion au film, conclusion qui restera sûrement longtemps gravée dans votre mémoire, de part l'image finale mais aussi le texte qui va l'accompagner. Une révélation qui marque l'esprit, qui vous laisse les mains moites, un peu abasourdi dans le canapé. On ne se relève pas d'un coup pour éteindre la télé, non, on reste assis là, on repense à ce qu'on vient de voir, de lire.
Tout sobre qu'il soit, "Ils" n'est cependant pas exempt de petites figures de style qu'on retrouve dans d'autres films bien connus des amateurs. La scène d'introduction ou la séquence dans le grenier, avec les bâches blanches, fait penser à une figure de style typique dans un slasher movie par exemple, qu'on retrouve aussi dans "massacre a la tronconneuse 2003" si on veut un citer un film récent. On passe également son temps à se demander si on aurait agi de la même façon que Clémentine et Lucas. Ne fallait-il pas rester cloîtré dans une pièce plutôt que de tenter une sortie ? Question dont il est très difficile de répondre tant qu'on a pas été confronté à une telle situation. Et Dieu sait que personne après la vision du film ne voudra vivre un tel calvaire. D'ailleurs, je prédis une augmentation des ventes de système d'alarme ou de verrous plus costauds chez les personnes déjà stressées s'ils regardent "Ils".
Pour un premier film, on peut franchement applaudir Xavier Palud et David Moreau, car ils ont atteint parfaitement le but qu'ils s'étaient fixés. On regrettera alors que les distributeurs n'aient pas eu l'intelligence de sortir le film pendant une période propice, parce que le mois de juillet n'a sûrement pas permis au film d'acquérir un large public, ce qui est quand même fort dommage à la vue du résultat. Heureusement que la sortie DVD va pouvoir rétablir cette injustice et permettre aux spectateurs en mal de frissons de combler ce manque. Fermer les rideaux, baisser les volets, monter le son plus que de raison et embarquer dans la vision de "Ils", effet garanti !